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Les jeunes tombouctiens en (dés-)ordre de bataille pour le changement

A Tombouctou les jeunes veulent être aujourd’hui les véritables artisans du développement local et accéder aux instances de prise de décision pour être entendus. Mais leur faible organisation ne leur facilite pas la tâche, estime Dramane Traoré.

Parce que les jeunes de Tombouctou sont d’ordinaire muets sur la gestion des affaires publiques, inertes quand il s’agit de confectionner les outils du développement, on assiste depuis l’avènement de la démocratie au Mali, au morcellement et à la vente des espaces publics de la ville (marchés, aires de jeu, aires de santé, bordures de route ou alentours de cimetière anarchiquement occupés).

Mais face aux plaintes des habitants de la ville dont les besoins deviennent pressants, dans un contexte de dynamisme démographique et de crise sécuritaire qui frappe tout le pays, les jeunes ont fini par s’affirmer. Ils dénoncent désormais tous les abus et s’attaquent à toutes les dérives qui entravent le développement de la « cité sainte ».

Prolifération d’actions citoyennes

« Un après-midi, des jeunes footballeurs venus comme à l’accoutumée s’entraîner sur le terrain que Saintes (commune de France, NDLR) a offert à la commune, dans le cadre du jumelage, ont remarqué que des piquets y ont été plantés pour signifier qu’il avait désormais un propriétaire, confie Sabane Sangaré, un membre actif du Cadre de concertation et d’action des jeunes d’Abaradjou, quartier de Tombouctou. Ils ont dégagé lesdits piquets et un grand rassemblement a eu lieu en guise de protestation. Et depuis, nous rencontrons régulièrement le maire pour discuter du sort de ce terrain et de tous les autres espaces publics. Nous avons mis en garde les vendeurs de terrain parce qu’ils sont coupables du désordre qui entoure la gestion du foncier dans la commune. »

En effet, des actions de cette nature sont devenues très fréquentes à Tombouctou. L’année dernière, des jeunes ont intenté un procès à un homme qui voulait établir sa demeure dans un cimetière de la ville. Il y a quelques semaines, un sit-in  a lieu sur le terrain derrière l’hôtel Bouctou pour qu’on ne le vende pas. Outre les animateurs de radios privées qui dénoncent les comportements nuisibles à la bonne marche de la société, nombreux sont les jeunes qui utilisent également les réseaux sociaux pour inviter les dirigeants à protéger les biens matériels et humains de la ville.

Indignation, réhabilitation et formation

Au delà de ces dénonciations, ils s’activent à réhabiliter ou à construire certaines infrastructures. C’est ainsi qu’un terrain de basketball a été entièrement refait grâce aux cotisations des populations elles–mêmes, un centre d’aide aux enfants démunis est créé à l’Ouest de la ville, Sankoré Labs est devenu une référence dans la formation et le renforcement des capacités et des pourparlers sont en cours pour l’ouverture d’une école dans les périphéries Est de la ville.

Un véritable changement de mentalités s’impose cependant au sein de la jeunesse de Tombouctou. Même si les initiatives entreprises jusque-là trouvent, en général, un écho favorable chez les citoyens, il ne manque pas d’individus, jeunes de surcroît, qui pensent que ceux qui en sont à l’origine ne le font pas gratuitement. Ils le font, dit-on, pour se faire de l’argent ou pour un poste, ou bien parce qu’ils sont à la solde d’hommes politiques.

A Tombouctou, on a la manie de tout ramener à la politique : parce que c’est pendant les élections que sont élaborés les plans machiavéliques permettant de mettre les jeunes dos à dos, chaque camp guerroyant du mieux qu’il peut pour faire élire un homme politique qui, au final, ne tiendra pas ses promesses.

Sortir des strapontins

Pour mener à bien leur combat, les jeunes se doivent d’être dans les instances de prise de décision. Ils doivent parvenir à faire bouger les lignes dans les partis politiques au sein desquels ils n’occupent que des strapontins pour imposer leur façon de faire et de gérer la chose publique. Cela, certains semblent l’avoir compris, car aux élections législatives avortées de 2018, deux jeunes étaient candidats.

Même les instances locales de jeunesse qui, traditionnellement, sont accusées de jouer le jeu trouble des politiques, ont changé de stratégie. Elles se donnent maintenant à fond pour le retour de la paix. Elles sont également initiatrices de plusieurs rencontres et ateliers de formation sur la citoyenneté, la création et la gestion des entreprises.

Les jeunes de Tombouctou ne sont donc pas encore allés très loin, mais ils ne sont plus là où ils étaient. Et c’est déjà çà.

 

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