Kayes : à Kéniéba le dragage continue, malgré l’interdiction du gouvernement
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Kayes : à Kéniéba le dragage continue, malgré l’interdiction du gouvernement

Le 15 mai 2019, un arrêté interministériel suspendait les activités de dragage sur les eaux maliennes durant une année. Dans le cercle de Kéniéba, notamment dans la commune de Dabia, il est foulé aux pieds par les orpailleurs.

Dabia est une commune rurale située à 28 km de Kéniéba, dans la région de Kayes. La ville est traversée par de nombreux cours d’eaux, dont le fleuve Falémé, sur lequel les orpailleurs par dragage opèrent

Au regard de ses effets très nuisibles sur les eaux, le gouvernement sénégalais a interdit l’exploitation aurifère par dragage sur l’ensemble de son territoire. Une décision qui est scrupuleusement respectée. L’exploitation aurifère par dragage consiste à utiliser des engins pour extraire l’or contenu dans le sable et le sol des cours d’eau. Cet or peut être récupéré sous forme de grains ou de paillettes par simple lavage mécanique ou par concentration, grâce à des produits chimiques à l’exemple du cyanure ou du mercure. Des produits réputés très dangereux pour l’environnement.

Refus de respecter l’arrêté 

A Kayes, région malienne proche du Sénégal, les activités de dragage n’ont jamais été suspendues sur le fleuve Falémé. Comme c’est le cas dans la commune de Dabia, notamment dans les villages de Mancouké, de Mamoudouya et d’Hamdallaye où l’orpaillage par dragage continue. Des Chinois, des Burkinabés, des Sénégalais, des Guinéens et des Maliens y exploitent encore les cours d’eau.

Dans la circulaire interministérielle du 25 mai 2019, l’exploration et l’exploitation aurifère par dragage avaient été suspendues de 12 mois. Ainsi, il a été demandé aux gouverneurs des régions, aux préfets, aux sous-préfets, aux maires et aux services techniques compétents d’exécuter cette décision.

Mais, grand paradoxe, le phénomène gagne de l’ampleur jour après jour. Originaire de Koulikoro, A. Traoré est arrivé dans la commune de Dabia début 2017. Il confie qu’il travaille avec une drague dont le propriétaire est à Bamako. Pour lui, l’orpaillage par dragage est très juteux . Par mois, il estime à plus d’un million ce qu’il pouvait gagner. Quant au propriétaire de son engin, il pouvait lui réserver plus de 3 millions à la fin de chaque semaine. Mais, les dragues ne rapportent plus rien. « Depuis que le Sénégal a mis fin à l’orpaillage, tous ceux qui étaient sur les eaux sénégalaises ont rejoint Kéniéba. La plupart de ces gens ont des dragues à godet, plus puissantes que les dragues que nous avons et qui peuvent obtenir plus de 2 kg d’or par jour. Contrairement aux dragues qui peinent à avoir souvent 1 kg par semaine ».

Passivité des autorités

A la direction régionale de l’assainissement et des nuisances de Kayes, le directeur a d’abord nié l’existence des dragues à Dabia, avant de finir par admettre. De même, à la préfecture de Kéniéba, le préfet affirme avoir mené des campagnes de sensibilisation. Par contre, au Sénégal, leurs collègues administrateurs civils ont utilisé la force. Et cela a bien marché. Au cours d’une conférence de presse, le gouverneur de Kayes avait déclaré que les dragues n’opéraient plus dans sa région. Pourtant, sur le terrain la réalité est tout autre.

Selon les propriétaires des vergers se trouvant au bord des cours d’eau, les arbres qui sont arrosés par l’eau du fleuve ne donnent plus de fruits. Souvent, ils meurent car l’eau contient des produits toxiques. M. Fofana est propriétaire d’un verger. Il explique qu’il gagnait plus de 30 tonnes de bananes et pouvait avoir deux chargements de camion en oranges par an. Mais, depuis 2018, il peine à avoir 8 tonnes de bananes. Il ajoute que ni les hommes, ni les animaux ne peuvent boire l’eau du fleuve qui n’arrête pas de tuer les poissons et les crocodiles.

Tensions

Début novembre, excédés par la situation, les jeunes de Mancouké avaient menacé de chasser les orpailleurs à coups de cailloux. Certains orpailleurs ont déserté la zone. La menace n’a finalement pas été mise à exécution. Fin novembre 2019, un autre incident a éclaté. En effet, à Diababa, un site d’orpaillage et hameau agricole du village de Mancouké, le chef de village avait confié la gestion du site d’orpaillage à un certain M. Mara, originaire de la Guinée. Un moment, le village de Mancouké avait interdit l’orpaillage. Les orpailleurs chinois, guinéens et burkinabés auraient approché M. Mara avec de l’argent, à en croire le chef du village de Mancouké.

Favorable à l’orpaillage, M. Mara n’a pas fait mystère de ses ambitions. Finalement, il a demandé et obtenu l’autorisation de faire de Diababa un village dont lui-même serait le chef. Ainsi, aux dires du chef de village, il a autorisé les orpailleurs à opérer sans l’aval du chef de village de Mancouké. Les villageois de Mancouké n’avaient pas apprécié que leur hameau soit devenu un village. Bien que le document de création ait été obtenu en 2019, le chef du village n’est toujours pas installé par le sous-préfet.

Si le dragage profite bien aux orpailleurs, il détruit notre environnement, met au chômage les pêcheurs, diminue les revenus des paysans et crée des tensions sociales. C’est à cause de la négligence des autorités locales d’appliquer un arrêté interministériel que le dragage continue à Kéniéba.

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