Tourela est à environ 20 kilomètres de Sanankoroba, dans le cercle de Kati. Cette localité abrite un site d’orpaillage qui accueille différentes nationalités. Là-bas, le spectacle est hallucinant : la poussière a changé les visages des uns et des autres, les mineurs et adultes, tous crasseux, portent des vêtements déchirés. Le site d’orpaillage de Tourela est le meilleur exemple de la course à la richesse dans une totale anarchie, écrit le blogueur Aliou Diallokei.
Sur le site, c’est la jungle car la règle non écrite semble être : « Fais ce que tu veux dans la mesure de tes pouvoirs ! ». Les disputes y sont réglées à coups de machettes ou de « six » (petit couteau de six cm promu par le rappeur Iba Montana dans ses chansons). Chacun en possède un ou plusieurs d’ailleurs. C’est « le kit de survie », raconte un jeune d’à peine 20 ans, qui montre tout fièrement son « six » bien accroché à son pantalon.
Les drogues de toutes sortes (tramadol et herbes) se vendent comme des petits pains et chacun peut s’en procurer. C’est un fait banal que de voir des jeunes prendre deux ou trois comprimés de tramadol avec du café, du thé ou même de l’alcool.
Sur ces lieux d’extraction artisanale de l’or, les latrines n’existent pas : on ne creuse un trou que pour chercher de l’or, point barre. Les besoins se font à même le sol sans respect des règles d’hygiène.
La mort est synonyme de bonheur
A chaque fois qu’une mine, appelée communément « dama », s’effondre et fait des victimes (ce qui arrive très souvent), cela signifie la présence de l’or dans cet endroit, selon les orpailleurs. Qu’est-ce qui pourrait donc empêcher les uns de souhaiter la mort des autres ?
Malgré la présence d’une unité de la gendarmerie sur place, ceux qui sont accusés de vol sont battus à mort. Les forces de sécurité, conscientes qu’elles ont affaire à une population ignorant ses droits, outrepassent leurs prérogatives et n’en font qu’à leur tête en s’adonnant au racket, à l’intimidation au quotidien des gens, etc.
« On paye pour nos appareils. Tout le monde paye quelque chose aux gendarmes ici, orpailleurs ou pas », confie un minier, tout droit sorti de son lieu de travail (un trou d’une vingtaine de mètres).
Lieu de proxénétisme
Ce site attire également de nombreuses prostituées venues du Nigeria, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso ou du Ghana. On y retrouve aussi beaucoup de Maliennes. Dans leurs pays respectifs, on leur fait miroiter les chances d’une réussite dans la coiffure et dans la restauration au Mali. Mais, c’est une fois sur place qu’elles se rendent compte de l’arnaque.
Ceux qui font venir ces filles les utilisent pour monter un véritable business du sexe. Je me souviens qu’en 2013, une jeune fille nigériane m’a confié sur le site d’orpaillage de Sakola, à Kayes, que c’est dans cette situation qu’elle s’était retrouvée au Mali alors que sa famille pensait qu’elle était employée dans un salon de beauté à Bamako.
Absentéisme scolaire et dégâts environnementaux
L’orpaillage à Tourela joue aussi sur la scolarité des enfants de Sanankoroba. Un enseignant de sixième année affirme que beaucoup d’élèves manquent à l’appel dans les classes, à cause du site d’orpaillage. Il ajoute que, souvent, ce sont les parents eux-mêmes qui retirent leurs enfants de l’école pour les envoyer sur le site. Mais il arrive aussi que les enfants y aillent d’eux-mêmes après avoir appris par la rumeur que des amis ont ramené des millions à leur famille.
Mais, il y a pire. Dans la zone, l’orpaillage fleurit aux dépens de l’environnement à cause de l’utilisation des produits chimiques tel que le mercure, qui contamine la nappe ainsi que l’herbe. « Il arrive que nos animaux meurent après avoir brouté dans ces zones et, donc, nous nous éloignons », confie un éleveur avant d’ajouter que les animaux tombent dans les trous abandonnés par les mineurs. Les champs, quant à eux, sont désertés pendant l’hivernage, la culture étant devenue pour les jeunes de la zone « une perte de temps ». L’unique solution pour y remédier, à mon avis, est la réglementation de l’accès à ce site d’orpaillage ainsi que tous les autres, car ils créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent.