Le cinéma malien, qui a longtemps été une référence dans la sous-région ouest-africaine, traverse une crise sans précédent. Réaliser un film relève presque du parcours du combattant. La renaissance de l’industrie cinématographique est attendue.
Nous sommes loin de l’époque des grandes productions avec de gros budgets, qui ont donné des merveilles comme Yeelen, Finyé de Souleymane Cissé ou Guimba le tyran de Cheick Oumar Sissoko. La passion, en revanche, est là. Des acteurs chevronnés du métier (producteurs, réalisateurs), malgré les maigres moyens, continuent de nourrir notre 7e art.
Les mesures d’austérité imposées par les institutions de Bretton Woods dans les années 80, explique Salif Traoré, secrétaire général de l’Union nationale des cinéastes du Mali, ont amené des États pauvres et très endettés comme le Mali à se débarrasser des structures qui nécessitaient assez d’investissements financiers. Ce qui frappé de plein fouet le secteur du cinéma.
Défaillances dans le secteur
Les jeunes cinéastes d’aujourd’hui, contrairement à leurs aînés comme Cheick Oumar Sissoko ou encore Souleymane Cissé, n’ont pas bénéficié d’une formation adéquate. « Il n’y a pas d’école dédiée au cinéma au Mali et on attend toujours que le Conservatoire des arts et métiers multimédia Balla Fasséké Kouyaté ouvre une filière dans ce sens », confie un jeune bamakois qui aimerait faire carrière dans le métier.
La mauvaise qualité des scénarios (du fait de la difficulté de pouvoir embaucher des scénaristes professionnels) et l’amateurisme d’une grande partie des acteurs est aussi à signaler. Un réalisateur a confié que, généralement, recours est fait à des amateurs. Cela débouche souvent sur des abandons en plein tournage.
Manque de salles de cinéma
Il y a aussi le manque de salles de cinéma. Toute la capitale n’en possède qu’une seule : le Ciné Magic, ex Babemba, qui n’est pas suffisant. « Au Mali, nous n’avons qu’une seule salle de cinéma qui ne permet pas aux producteurs d’avoir une exploitation maximale de leurs œuvres », confiait à Benbere Yacouba Kébé, producteur du film Le voile secret.
Après des efforts à produire les films, la distribution reste un problème, même si des plateformes numériques de streaming voient peu à peu le jour. On peut citer notamment la plateforme Kurukanfu. L’inexistence d’une politique de cinéma efficace et le non-respect de la législation en vigueur sont d’autres véritables freins au développement du domaine. En effet, il y a une anarchie dans le secteur. Cela est synonyme d’amateurisme et fait fuir les investisseurs étrangers.
Un manque de volonté des autorités
L’industrie cinématographique au Mali peine à se développer et une des raisons majeures est le manque de financement. Les premiers responsables sont les autorités que beaucoup de professionnels du cinéma accusent d’être trop passives et incapables de mobiliser les ressources.
Salif Traoré, secrétaire général de l’Union nationale des cinéastes du Mali, dénonce le manque d’appui institutionnel : « Depuis plusieurs années, un fonds de soutien à l’industrie cinématographique est en gestation. La loi a été votée, la direction mise en place, les manuels de procédures également, mais rien ne bouge. La chose la plus facile dont peuvent bénéficier les cinéastes, à mon avis, est tout d’abord l’appui institutionnel.»
En attendant la mise à disposition des 6 milliards promis par le gouvernement lors du colloque sur la problématique du financement du cinéma, tenue du 12 au 13 novembre 2019, les réalisateurs n’ont d’autres choix que de faire avec les moyens du bord ou espérer l’appui de certaines Organisations non gouvernementales et autres institutions telle que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture qui s’intéressent au domaine culturel. Car, soulignons-le, le manque d’argent a causé l’abandon de beaucoup de projets prometteurs.
Kissima Diouara, coréalisateur du film Amour insolite, mis en stand-by, raconte : « Il est difficile d’être concentré sur un projet de film vu que le cinéma peine à nourrir ses sujets au Mali. Du moins, c’est un risque d’y investir son temps et son argent ».
« Une mine d’or peu exploité »
En dépit des problèmes évoqués, le Mali continue tout de même de faire parler de lui lors des évènements internationaux. Sept réalisateurs ont représenté le pays à la 26e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) et la plupart se sont produits par leurs propres moyens. Le film documentaire Djamu duman de Salif Traoré a d’ailleurs décroché le prix UEMOA.
Bassekou Tangara, qui a également participé à cette édition du Fespaco, réalisateur du film Oumou un destin arraché, est persuadé que cette crise est passagère et que de belles années attendent notre cinéma : « Je reste optimiste, et c’est sûr, que les choses vont bouger. L’industrie du cinéma est une mine d’or qui reste encore peu exploitée. On attend de l’État qu’il joue son rôle et exhorte nos ainés à nous appuyer dans nos projets. » Nous comptons sur cette génération talentueuse pour concurrencer Nollywood et redonner à notre 7è art son lustre d’antan.