#SiraKura : introduire un mécanisme de destitution du président de la République dans la nouvelle Constitution ?
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#SiraKura : introduire un mécanisme de destitution du président de la République dans la nouvelle Constitution ?

L’élaboration d’un mécanisme constitutionnel de « destitution du président de la République en cas de forfaiture ou de non-respect de serment », abordée dans les recommandations issues des Assises nationales de refondation (ANR), implique une refonte du régime politique malien. Deux grandes hypothèses sont envisageables : soit que l’on révise la Constitution du 28 février 1992 tout en demeurant dans la 3ème République, soit que l’on en élabore une nouvelle s’inscrivant dans la logique de la 4ème République.

Symbole de l’unité de la nation, le président assume de fréquentes fonctions de représentation sur le territoire national ou à l’étranger, qui confortent son image de rassembleur et de chef de l’État. S’appuyant sur l’opinion publique, il lui arrive très souvent d’exercer une certaine influence et des pressions efficaces sur le gouvernement dans le cadre de sa mission d’orientation de l’ensemble des politiques nationales.

En clair, il est réservé au président de la République une fonction d’arbitre, en tant que pouvoir neutre au-dessus des forces politiques. Cette neutralité lui donne la latitude de pouvoir tempérer les oppositions partisanes et les conflits sociaux.

Déséquilibre institutionnel

Toutefois, le président ne pourrait pleinement et entièrement profiter de ces prérogatives que lorsqu’il dispose incontestablement d’une légitimité forte. Par contre, lorsque sa légitimité est remise en cause, ce qui arrive lorsqu’il trahit la dignité de sa fonction, il est fait recours à la Haute cour de justice dont le fonctionnement et la composition sont prévus aux articles 95 et 96 de la Constitution.

Encore convient-il de noter que cette cour ne juge le président qu’en cas de crime de « haute trahison » et non pour statuer sur sa « démission ». Le pouvoir constituant de 1992 n’envisage aucunement la possibilité d’une destitution du président de la République. Ce qui créé, en réalité, un déséquilibre institutionnel au regard de l’hyperpuissance du chef de l’État dans l’architecture institutionnelle de la nation.

La destitution apparait, dès lors, comme légitime en tant que contrepartie de la protection des immenses pouvoirs du président de la République. Cependant, comment s’y prendre dans le contexte particulier du Mali ?

Pour conserver la forme de l’ État et le régime politique, une révision de la Constitution afin d’y intégrer le mécanisme de destitution du président demeure la voie juridique la plus simple pour le Mali. Une ou deux dispositions constitutionnelles suffirait pour déterminer les conditions et la procédure à suivre pour la destitution du président de la République. C’est d’ailleurs ce que la France a fait à travers la révision constitutionnelle du 23 février 2007, portant sur le statut du président de la République.

Nouvelle Constitution

Néanmoins, dans un contexte global de refondation, il n’est pas exclu qu’une nouvelle Constitution soit élaborée. Dans ce cas de figure, le Mali pourrait éventuellement opter pour une nouvelle République avec un régime soit présidentiel, soit parlementaire. Dans un régime présidentiel, la destitution du président de la République prend la forme d’« impeachment ». C’est ce qui se passe notamment aux États-Unis lorsque la responsabilité pénale du chef de l’État est mise en cause par le Congrès. La majorité des voix au Sénat est, toutefois, indispensable pour qu’une procédure d’impeachment aboutisse.

A contrario, dans un régime parlementaire, les choses sont encore plus simples, car la question de la démission du chef de l’État ne se pose même pas. Il n’est pas politiquement responsable et incarne une fonction symbolique de l’unité de la nation.

C’est, en effet, le Premier ministre qui est le capitaine de bord de la politique nationale et qui est, ainsi, soumis à la menace des parlementaires pouvant le destituer par la procédure de la motion de censure.

La figure du Premier ministre apparait, à ce titre, comme le maitre d’orchestre de la scène politique. C’est ce qui se passe, par exemple, en Angleterre, mais aussi en Allemagne où c’est le chancelier qui conduit et anime la vie politique au détriment du chef de l’État dont le rôle est plus symbolique que politique.


  • Ballan Diakité, politologue-chercheur.

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