La jeune slameuse Hadizatou Dao vient de marquer l’histoire du slam malien en arrivant 5e à la Coupe du monde de slam poésie. Elle a porté haut les couleurs nationales. Un parcours surprenant pour une scientifique passée dans le camp de la littérature.
Le slam connait une évolution remarquable au Mali ces dernières années. Des jeunes sont en train de donner à cet art ses lettres de noblesse. La brillante participation de notre pays à la Coupe monde slam poésie, du 18 au 24 mai 2020, en est une illustration. La slameuse malienne Hadizatou Dao a décroché une place honorable en arrivant 5e sur 21 participants. Cet exploit de la championne de Massa slam, qui s’est hissée en finale de la compétition mondiale, est inédit pour le Mali en trois participation (2018, 2019 et 2020).
Cette compétition de déclamation poétique réunit chaque année le monde entier à Belleville, quartier de Paris. Elle s’est tenue exceptionnellement en ligne cette année à cause de la pandémie de Covid-19. La performance de Hadizatou Dao a été saluée par les Maliens, particulièrement les amoureux des lettres et du slam.
À l’issue de la finale, des messages de félicitations à destination de la jeune slameuse ont inondé les réseaux sociaux, témoignant de l’intérêt grandissant pour cet art dans notre pays. «C’est incroyable de me dire que j’ai pu aller aussi loin dans la compétition parmi tant d’autres poètes talentueux du monde. Je suis fière d’avoir porté haut le slam malien», a lancé Hadizatou Dao, surnommée « Hady », quasi inconnue au bataillon avant le Massa slam en fin 2019.
Une scientifique passée dans le camp de la littérature
Native de Bamako, Hadizatou Dao grandit à Ségou où son défunt père, alors chef de la division Enfant à la Direction régionale de la promotion de la femme de l’enfant et de la famille, fut muté en 1999. Avant dernière d’une fratrie de sept 7 enfants (2 garçons et 5 filles), Hady a fait ses classes à Ségou. Après le bac au lycée technique de la même ville, en 2017, elle revient à Bamako pour entrer sur concours à l’École normale d’enseignement technique et professionnelle (ENETP) où elle est actuellement en licence professionnelle en technologies industrielles, spécialité génie minier.
Ce parcours scientifique ne présageait pas forcément un tel succès de la jeune slameuse sur la scène culturelle. Mais le fait est que Hady est une amoureuse des lettres, bien qu’elle ait choisi de faire des études en sciences. « J’ai toujours été attirée par les mots, leur emploi et l’écriture. Je passais énormément de temps à lire et à apprendre de nouveaux mots. Je pouvais lire deux livres par semaine », confie-elle.
Cet intérêt pour les livres, Hady l’a eu à travers sa grande sœur, Mariam, professeure de français à Ségou. « Mariam avait plein de livres d’auteurs africains, européens que je lisais depuis mes 10 ans. Je n’y comprenais pas grand-chose et j’étais obligée de recourir au dictionnaire pour pouvoir comprendre le sens de certains mots et mon vocabulaire se développait au fur et à mesure », explique Hady, qui était également très active dans les compétitions interscolaires au cours desquelles elle s’était fait remarquer par sa maitrise de la lecture.
« Hady est une personne très sensible, mais ce côté slameuse et poétesse fait qu’elle s’isole très souvent et fréquente moins les gens autour d’elle. Peut-être que c’est pour méditer. Elle est très ambitieuse et se bat pour atteindre les objectifs qu’elle se fixe et la barre est souvent élevée », témoigne sa grande sœur Mariam, qui dit la citer souvent en exemple devant ses élèves au lycée afin de les inciter à lire.
Le slam, elle l’a découvert à travers l’artiste français Grand Corps Malade dont elle dit qu’il l’a « beaucoup influencée, surtout sa voix ». Elle ajoute qu’elle écrivait des textes « sans réel but », parce qu’elle voulait « se concentrer exclusivement sur les études, qui n’avaient rien avoir avec le monde de la littérature. » « L’écriture des textes de slam était juste un exutoire pour moi.», affirme la slameuse qui traite en général des thèmes comme la paix, la corruption, le droit des enfants et l’environnement dans ses textes.
« Slameuse talentueuse »
Hadizatou était également active dans la vie associative au lycée. Ce qui lui a valu d’ailleurs le poste de 1ère vice-présidente du Parlement des enfants de Ségou (2015-2017). C’est à travers cette promotion qu’elle a eu la chance de prendre part aux activités annuelles d’Oxy-jeunes à Ségou en 2016 et à Sikasso en 2017. Là-bas, elle fait la rencontre du slameur Abdoul Aziz Koné, alias « Aziz Siten’k » et non moins président du groupe Agoratoire.
La décision de Hady de prendre part à la compétition de Massa slam en 2019 a été prise sur fond de doute. Elle a surtout été encouragée par Abdrazak Maïga, un artiste slameur et étudiant en pharmacie, qui, ayant remarqué ses talents, pu la convaincre de tenter sa chance. Sans surprise, elle passe la phase de présélection de Massa slam avant de remporter avec brio la finale de la compétition nationale synonyme d’une qualification à la coupe du monde où elle a honoré les couleurs nationales. « Hadizatou est une jeune slameuse très talentueuse, modeste et très ambitieuse. Je pense qu’elle a beaucoup d’avenir dans le slam si elle continue sur cette lancée », estime Aziz Siten’k.
Mais Hady n’est pas assez intéressée par une carrière professionnelle dans le slam, même s’il y a des personnes qui l’encouragent, notamment sa sœur Mariam.
Félicitations grande soeur 🥳🥳🥳
Elle fait notre fierté non seulement du Mali mais de l’Afrique en général.
Une battante