Les femmes sont tenues pour responsables des problèmes de fécondité dans la plupart des couples au Mali. Cette situation pousse souvent beaucoup d’hommes, à cause des pressions familiales, à consommer de seconds mariages sans au préalable songer à chercher l’origine du mal. À travers cette petite histoire, le blogueur Fousseni Togola nous interpelle sur cette réalité qui doit nous faire comprendre que la stérilité ou l’infertilité n’est pas que féminine et que la polygamie comme option pour avoir coûte que coûte des enfants n’est pas une évidence.
Il n’y a pas de couples sans problème. Dans la plupart des sociétés maliennes, nombreux sont les couples qui se trouvent confrontés au problème de la polygamie. Cette pratique, bien qu’étant tolérée par la religion musulmane ainsi que inscrite dans le code du mariage malien, n’est pas la volonté de beaucoup d’hommes, qui pensent qu’elle crée plus de problèmes qu’elle n’en résout. Mais, il ne faudrait pas s’étonner de voir la plupart de ces hommes, qui pourtant ont cette pratique en aversion, s’y adonner sous les pressions familiales.
Dans son roman Quand les cauris se taisent, deuxième volet de sa trilogie, l’écrivaine malienne Fatoumata Keïta aborde d’ailleurs cette question à travers Tity, une amie de son héroïne Nana. Frappée de stérilité, Tity n’a pu empêcher le remariage de son mari, Doudou, mis sous pression de sa famille, et désireux d’avoir un enfant. La romancière nous fait comprendre que la pression sociale, sous laquelle se trouve Doudou, fait partie des raisons qui poussent les hommes à se remarier et les femmes à accepter.
Re-mariage forcé
« Voilà qu’après deux années de mariage avec Aïda, sans un seul enfant, mes parents m’ont mis la pression afin que j’épouse une seconde femme, m’a confié Hamidou, un ami d’enfance. Ils disent ne pas vouloir mourir sans voir leur petit fils. J’ai dû leur résister durant une année, car je ne voulais pas être polygame. Ma position était que le problème d’enfants n’était pas une raison suffisante pour prendre en mariage une seconde femme. Surtout que la cause n’était pas située en ce qui concerne ce problème d’enfants entre Aïda et moi. »
Sans égards pour les réticences de Hamidou, ses parents ont décidé de demander à sa place la main de l’une de ses cousines, Maïmouna, qui, à sa grande surprise et à son indignation, a déménagé chez lui. « Aïda n’a pas réussi à comprendre que je n’avais rien à voir avec cette affaire. Elle pensait que j’étais le complice de mes parents. Dans son entendement, j’ai agi de la sorte parce qu’elle n’a pas réussi à me faire d’enfants depuis notre mariage. », ajoute-t-il.
Et si le problème était du côté de l’homme
Dans son mémoire Évaluation des connaissances des couples sur les facteurs/causes de la stérilité primaire, une étude menée à l’Hôpital militaire régional de Kinshasa en RDC, que j’ai pu parcourir, Godé Kavira Sitona écrit en effet que « la stérilité primaire pose souvent des problèmes à la femme par le fait que la culture africaine fait de la femme le vecteur de la reproduction à la fois biologique et sociale. »
Mais une année après le mariage, Maïmouna elle aussi n’a pas eu d’enfants pour Habib. De grosses sommes ont été englouties dans des traitements pour, soi-disant, guérir des maux de ventre qu’elle aurait. Hamidou raconte : « Voici qu’un soir, Aïda m’appelle et me propose d’aller voir mon médecin. Une idée qu’elle aurait dû avoir bien avant ce second mariage. Sur-le-champ, j’ai pris les clés de ma petite moto Jakarta pour me rendre chez un médecin. Les consultations ont confirmé que je souffrais de l’azoospermie. Des traitements m’ont été prescrits et au bout de six mois, la jeune Aïda est tombée enceinte. Elle a donné naissance à une belle jeune fille. »
Cette situation décrit une des causes fondamentales de la polygamie de nombre d’hommes dans la société malienne. Les pressions familiales, notamment des parents de l’homme qui se trouvent toujours pressés de voir leurs petits fils, sont déterminantes dans la décision de convoler à de justes noces. Cela, sans au préalable chercher à situer le problème comme nous montre cette petite histoire.