Avec l’intelligence artificielle en ligne de mire, plusieurs initiatives ont vu le jour pour propulser le pays dans la course technologique. Mais entre ambitions affichées et réalité du terrain, où en est-on aujourd’hui ?
La digitalisation s’impose comme un défi majeur pour le Mali, entre ambitions technologiques et réalités du terrain. Face aux limites en termes d’infrastructures, à la faible formation spécialisée et aux enjeux de souveraineté numérique, l’intelligence artificielle est appelée à jouer un rôle clé dans la transformation du pays.
En juin 2023, les autorités maliennes posaient la première pierre du Centre d’intelligence artificielle et de robotique du Mali (CIAR-Mali), à Sirakoro Niaré, près de Kati. Présenté comme un projet phare, il devait incarner l’émergence d’une génération de talents maliens dans l’IA, la robotique et les technologies de demain. Deux ans plus tard, malgré un budget estimé à 3,3 milliards de francs CFA et un projet architectural ambitieux (salles de cours, dortoirs, amphithéâtre, espaces de recherche…), les bâtiments ne sont pas encore finalisés.
Les retards, liés notamment au contexte économique et politique, freinent la livraison du centre. Cependant, des signes positifs émergent : en 2025, un concours d’entrée a été organisé pour recruter les premières promotions, preuve d’une volonté de faire avancer coûte que coûte ce chantier d’avenir. En février 2025, une convention de partenariat a été signée entre le CIAR-Mali et l’Autorité de protection des données à caractère personnel du Mali (APDP-Mali), marquant une étape importante vers un encadrement éthique du développement de l’IA au Mali.
Le cas RobotsMali
Pendant que le CIAR-Mali tarde à voir le jour, RobotsMali continue de former la relève. Porté par la Fondation iNERDE, ce centre basé à Bamako initie depuis plusieurs années des milliers de jeunes aux sciences, à la robotique et à l’IA. En 2022, plus de 3 000 élèves y ont été formés, et le Mali s’est hissé parmi les meilleurs du continent lors de compétitions de robotique, comme la Compétition panafricaine de robotique (PARC).
Au-delà des compétitions, RobotsMali innove en mettant l’IA au service des réalités locales. Il a généré 107 livres scolaires en bamanakan, soutenant ainsi la réforme éducative malienne qui valorise l’enseignement en langues officielles. Dans un pays où l’accès aux ressources éducatives reste un défi, cet usage de l’IA pour la promotion linguistique montre que la technologie peut être un levier de souveraineté culturelle.
Un écosystème encore fragile
Le développement de l’IA au Mali ne se limite pas aux infrastructures ou aux concours. Parallèlement, des initiatives éducatives comme Kabakoo Academies forment de jeunes talents aux compétences technologiques adaptées aux réalités africaines. Sur le volet applicatif, des projets comme Hekima, un moteur de recherche conversationnel conçu au Mali, illustrent comment l’IA peut être pensée localement pour répondre aux besoins spécifiques des populations.
Selon Amadou Maïga, ingénieur spécialiste de la blockchain, « le Mali n’a pas de problème de talents : les jeunes sont créatifs, curieux et ambitieux. Ce qui manque, c’est un environnement qui les aide à grandir : des formations solides, des laboratoires accessibles, des opportunités locales. Sans cela, beaucoup de potentiels risquent de se perdre ou de s’épanouir ailleurs. »
Sur le plan réglementaire, le partenariat entre le CIAR-Mali et l’APDP illustre aussi la prise de conscience de la nécessité d’un cadre légal pour accompagner l’essor de ces technologies sensibles.
L’intelligence artificielle progresse au Mali, mais le chemin reste lent. Les projets se multiplient, les talents ne manquent pas. Pourtant, sans un investissement réel dans l’écosystème et sans cadre structurant, ces efforts risquent de rester sans impact durable.
Le véritable défi est de bâtir une dynamique solide et pérenne.