L’institut d’études de sécurité (ISS) a publié, il y a plus d’un mois, un rapport sur les liens entre extrémisme violent, criminalité organisée et conflits locaux dans la région du Liptako-Gourma. Il pointe également le rôle de certains groupes armés dans les trafics.
Dans cette étude, il ressort que certains groupes armés au Sahel exercent une influence dans la zone dite des « trois frontières » : le Liptako-Gourma, une région qui comprend le Mali, le Niger et le Burkina. Les groupes extrémistes violent laissent prospérer dans les zones sous leur contrôle des activités illégales desquelles ils tirent profit d’une façon ou d’une autre.
Les États sont perçus dans la zone plus comme prédateurs que protecteurs. Les représentants, de par leurs comportements, y ont laissé une image exécrable de l’État. Les groupes extrémistes violents laissent faire ce que l’État n’autorisait pas : contrebande du carburant, braconnage, trafic de motos et d’armes… Toutes choses qui permettent aux jeunes de la zone, sans emploi et désœuvrés, d’avoir un moyen de subsistance. Ainsi, les groupes extrémistes ont constitué une véritable chaîne d’approvisionnement avec la complicité de la population locale. Tout le monde y trouve son compte.
Trafics d’armes
Les armes permettent aux groupes extrémistes violents de continuer leur combat et de maintenir leur influence sur les populations. Le rapport indique que les armes dont disposent les groupes extrémistes proviennent principalement des garnisons des Forces de défense et de sécurité des pays de la région.
Les chercheurs ont mis en lumière le rôle de certains groupes armés signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale dans le trafic d’armes au profit des groupes extrémistes. « La légitimité que confère aux groupes armés leur participation au processus de paix, ainsi que la marge de manœuvre dont ils jouissent dans le nord du Mali, leur permettent de constituer des stocks d’armes dont une partie alimente un marché illicite. », peut-on lire dans le document.
Un interlocuteur interrogé par les chercheurs en milieu carcéral, au Mali, va plus loin : « Les gens du MNLA ont beaucoup d’armes. Nous achetons des armes avec eux. Souvent, nous les revendons aux djihadistes dans la zone de Boni ».
Gagner la confiance des populations
Qu’il s’agisse des armes, du carburant, des motos, ces marchandises transitent par plusieurs pays avant d’arriver dans la région de Liptako-Gourma. Il ressort que les motos, principal moyen de déplacement de ces groupes , et le carburant viennent du Nigeria. La population locale est complice de ces pratiques, parce que les motos et le carburant non taxés sont moins chers. Elle en profite. Sur les sites d’orpaillage, au Burkina Faso, les groupes extrémistes font fuir les autorités administratives et traditionnelles pour s’imposer comme régulateurs. C’est ainsi qu’ils parviennent à y contrôler l’activité. Ils ont ainsi réussi à créer un réseau qui s’étend jusque dans les pays côtiers comme le Togo ou le Benin à partir desquels ils ont accès aux marchés internationaux.
Il est clair aujourd’hui que l’insécurité au Sahel a des ramifications au-delà des pays de la région. Les États sahéliens, en plus des opérations militaires, doivent chercher à recueillir la confiance des populations locales. Ainsi les pays peuvent tarir les sources de revenus qui aliment les groupes armés producteurs de la violence dans le Liptako-Gourma.