Le blogueur Jean-Marie Ntahimpera nous parle du roman La guerre des influences de Bréhima Touré, qui dessine le champ de bataille idéologique qu’est devenu le Mali.
Il y a deux manières de gagner la guerre contre les groupes terroristes qui guerroient au nom de l’islam : par les armes ou par la politique. La politique consiste à rétablir la légitimité de l’État sur tout le territoire malien et à assurer le minimum des services nécessaires à ceux que Mamadou Diarafa Diallo appelle « les humiliés », et qui constituent le vivier de recrutement des groupes djihadistes.
Mais gagner la guerre par la politique, c’est aussi gagner la lutte idéologique. C’est ce que nous rappelle le livre La guerre des influences de Bréhima Touré (L’Harmattan, 2019). Ce troisième roman de Bréhima Touré narre l’histoire de Bouba, un préfet enlevé par un des groupes terroristes opérant dans le nord du Mali, alors qu’il se rendait dans son village pour rendre visite à sa famille.
Même s’il est menacé d’être exécuté, Bouba parvient à mener une discussion intellectuelle plus ou moins raisonnable avec Abou Sidi Yaya, le chef du groupe. Le préfet est convaincu que « le groupe des combattants n’était qu’un ramassis d’ignares prêts à mourir pour une religion dont ils ne connaissaient pas les préceptes les plus élémentaires ».
L’Orient contre l’Occident
Quant à Abou Sidi Yaya, un intellectuel, ancien élève de l’ENSup (École normale supérieure), qui a continué ses études théologiques en Arabie saoudite, il est convaincu que son groupe se bat pour une cause supérieure, et que toutes les exactions qu’il peut commettre sont tolérables compte tenu de la noblesse de cette cause : « Notre lutte a pour but de vaincre l’injustice et favoriser le bien-être de tous dans l’égalité. C’était le combat du Prophète (PSL). »
Après plusieurs joutes oratoires dignes des débats socratiques, le représentant de l’État et celui du groupe djihadiste finissent par s’entendre sur une chose : leurs organisations respectives sont toutes engagées dans une guerre géostratégique de domination entre l’Orient et l’Occident. L’État est manipulé par l’Occident et les djihadistes par l’Orient. Ce sont les Maliens qui sont les victimes, de la même façon que l’herbe qui périt sous les pieds de deux éléphants qui se battent.
Négocier avec les terroristes
Alors, que faire ? Le narrateur présente sa solution : « Bouba proposa par la suite à Abou Sidi Yaya de mener la réflexion ensemble pour trouver leur propre voie, celle qui mène à la paix et à la réconciliation. Pas une paix des vainqueurs contre les vaincus. »
Le pari politique du livre est donc que, même s’il ne faut pas négliger la lutte armée, le dialogue avec les groupes dits « terroristes » est nécessaire et possible. Un point de vue qui risque de ne pas faire l’unanimité, quand on sait que le mot d’ordre international est qu’ « on ne négocie pas avec les terroristes ». Mais il a le mérite de relancer le débat sur la stratégie à adopter envers les groupes dits terroristes, alors que ni le gouvernement du Mali, ni les forces internationales ne semblent avoir la solution pour que le Mali retrouve la paix.