Nouveau code minier malien : levier ou pari risqué pour la souveraineté économique ?
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Nouveau code minier malien : levier ou pari risqué pour la souveraineté économique ?

Entre souveraineté économique renforcée et maintien de l’attractivité pour les investisseurs, le nouveau code minier, adopté en 2023 et complété par une réforme fiscale en 2025, redessine les contours d’un secteur vital pour le pays.

Le Mali, troisième producteur d’or en Afrique, a adopté en 2023 un nouveau code minier, complété en mars 2025 par une réforme fiscale visant à maximiser les bénéfices de son secteur minier. Celui-ci représente 10 % du PIB et 30 % des recettes budgétaires. Ce cadre législatif ambitionne de renforcer la souveraineté économique, tout en équilibrant l’attractivité pour les investisseurs étrangers et les attentes des communautés locales.

Le nouveau code minier marque une rupture avec les cadres précédents, souvent critiqués pour leur faible redistribution des richesses. « Ce code est bâti sur une vision : faire de l’activité minière un moteur de développement inclusif pour le Mali », affirme cet entrepreneur malien. Selon lui, le code met l’accent sur le contenu local, obligeant les entreprises minières à prioriser les fournisseurs et la main-d’œuvre malienne. « Les entreprises locales captent 60 à 80 % des 2 000 milliards de FCFA de sous-traitance annuelle, générant emplois et taxes qui restent au Mali », précise-t-il.

« L’État actionnaire »

Djibril Diallo, géologue, souligne les changements structurels. « L’État est désormais actionnaire à 30 % – 10 % gratuits et 20 % à acheter – et 5 % sont réservés aux investisseurs maliens, portant la part nationale à 35 %. » La création de la Société de recherche et d’exploitation minière (SOREM) permet à l’État de détenir des permis et d’exploiter des mines avec des partenaires privés. De plus, un fonds de développement local, financé à 0,75 % du chiffre d’affaires des sociétés minières, soutient les communautés.

La réforme fiscale de mars 2025, élargissant l’Impôt spécial sur certains produits (ISCP) aux lingots d’or et autres minerais avec un taux réduit à 3 %, vise à augmenter les recettes. « Cette mesure pourrait générer 600 milliards de F CFA supplémentaires en 2025, réduisant le déficit budgétaire de 683 milliards en 2024 à 581 milliards », explique Modibo Mao Makalou, économiste. Pour Salimata Sangaré, la clé réside dans la transparence : « La blockchain, les audits par drones et les plateformes numériques interconnectées peuvent limiter l’évasion fiscale. »

Des bénéfices économiques et sociaux

Le contenu local est un pilier central. « Les impôts payés par les entreprises maliennes augmentent les revenus de l’État, et la redistribution locale des richesses réduit les pertes liées au rapatriement des profits étrangers », note l’entrepreneur cité plus haut. Diallo ajoute : « Les permis d’exploitation, limités à 12 ans et dissociés des permis de recherche, renforcent la négociation de l’État et évitent le blocage des mines. »

Cependant, les défis sont nombreux. L’entrepreneur estime que « les entreprises maliennes doivent atteindre les standards internationaux, ce qui nécessite des financements bancaires et une formation professionnelle », et appelle à « une direction dédiée au contenu local pour superviser les activités et suivre les impôts ». Diallo, pour sa part, propose une banque d’investissement : « Avec 200 milliards de FCFA, l’État pourrait sécuriser ses 20 % de parts sur six ans. » Il plaide aussi pour une raffinerie d’or locale : « Sans raffinerie, nous ignorons les volumes exacts extraits, perdant des milliards de dollars. »

Makalou met en garde contre une dépendance excessive au secteur minier : « Si les recettes ne se concrétisent pas, par exemple à cause d’une chute des cours de l’or, le déficit s’aggravera. » Sangaré, elle, recommande un fonds souverain minier : « Cela stabiliserait les revenus et financerait des infrastructures. » 

Un équilibre fragile avec les investisseurs étrangers

Le différend avec Barrick Gold illustre les tensions. En janvier 2025, le Mali a saisi trois tonnes d’or et arrêté des employés de Barrick, réclamant 500 millions de dollars d’arriérés fiscaux. Un accord de 438 millions de dollars a été signé le 19 février, mais attend l’approbation malienne. « L’État veut que ces taxes soient payées », tranche Diallo. Toutefois, il souligne : « Barrick opère sous un contrat de 30 ans. Le nouveau code ne peut s’appliquer qu’aux nouvelles mines, car la loi n’est pas rétroactive. »

Sangaré partage cette préoccupation : « Une fiscalité lourde et un contrôle accru pourraient rendre le Mali moins compétitif face au Ghana ou à la Côte d’Ivoire, où l’État prend 15 % gratuits. » Makalou reste optimiste : « Les conventions de 9 ans pour la recherche et 12 ans pour l’exploitation, combinées à une taxation progressive des superprofits, sécurisent l’attractivité. » Diallo renchérit : « Sans stabilité politique et sécuritaire, l’argent fuira, même avec un code attractif. »

Les experts s’accordent sur la nécessité d’une gouvernance rigoureuse. « Un audit des mines est urgent pour vérifier les chiffres réels », déclare Diallo. Sangaré propose une gestion participative des Fonds de développement local : « Une allocation fixe des redevances aux communautés renforcera l’impact social. » Makalou conclut : « Maintenir un solde budgétaire à -3 % du PIB et investir dans l’agriculture et l’éducation diversifieront l’économie. »

Le nouveau code minier et la réforme fiscale positionnent le Mali comme un acteur ambitieux en Afrique de l’Ouest. Si la vision de souveraineté économique est claire, son succès dépendra d’une exécution transparente, d’un dialogue avec les investisseurs et d’un soutien aux capacités locales.

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