Le 5 mars 2025, le Mali a franchi une étape importante avec la réforme de son code général des impôts, intégrant l’Impôt spécial sur certains produits (ISCP) à de nouveaux produits miniers tout en abaissant son taux. Cette mesure, en complément du Code minier de 2023, ambitionne de booster les recettes fiscales, réduire le déficit budgétaire et promouvoir le développement local. Décryptage en quatre questions essentielles avec l’économiste Modibo Mao Makalou.
Pourquoi cette réforme fiscale est-elle mise en place ?
La réforme cherche à maximiser les bénéfices du secteur minier tout en restant attractif pour les investisseurs. « L’élargissement de l’ISCP aux marbres, lingots d’or et autres produits miniers, avec un taux réduit de 3 %, est une mesure pragmatique », explique Modibo Mao Makalou. En taxant une gamme plus large de produits, elle augmente les recettes fiscales, tandis que la baisse du taux rend le Mali compétitif face à d’autres pays miniers. Le Code minier de 2023 complète cela avec des conventions d’établissement (9 ans pour la recherche, 12 ans pour l’exploitation) et une participation accrue de l’État (30 %) et du privé local (5 %), renforçant l’attractivité.
Comment peut-elle réduire le déficit budgétaire ?
Le secteur minier, représentant 30 % des recettes fiscales et 10 % du PIB, est crucial face au déficit projeté à 581 milliards FCFA en 2025. Selon Makalou, la réforme, combinée au code minier, devrait générer 263 milliards FCFA supplémentaires en 2025, via l’ISCP élargi et d’autres taxes comme la taxe ad valorem progressive. « Ces recettes permettraient de porter la pression fiscale de 14,8 % à 16,2 % du PIB », précise-t-il. Cependant, une chute des cours mondiaux de l’or ou une mauvaise gestion des fonds pourrait aggraver le déficit, obligeant à plus d’endettement ou à des coupes dans les dépenses sociales.
Quel impact sur le développement local et les inégalités ?
Les fonds issus de l’ISCP et du code minier doivent financer le développement local pour réduire les inégalités dans les régions minières. Mais, comme le souligne Makalou, « l’efficacité de ces mécanismes reste limitée par une mauvaise gouvernance locale et un manque de capacités techniques ». Les projets de loi de finances 2025 prévoient 2 334 milliards FCFA de recettes fiscales nettes, mais sans allocation transparente, l’impact sera faible. Il propose de créer un fonds souverain, de renforcer les compétences des collectivités locales et d’investir dans l’agriculture et l’éducation pour diversifier l’économie.
Quels sont les défis pour assurer le succès de cette réforme ?
La viabilité à long terme dépend de plusieurs facteurs. « La capacité du gouvernement à contrôler l’évasion fiscale et à garantir une stabilité politique » est cruciale, note Makalou, car les investisseurs étrangers y sont sensibles. La transparence dans la collecte des taxes et la diversification des revenus au-delà du secteur minier sont également essentielles pour éviter les risques liés à la volatilité des marchés mondiaux. Sans ces efforts, les bénéfices attendus pourraient ne pas se concrétiser, compromettant les objectifs économiques et sociaux.
Cette réforme, bien que prometteuse, place le Mali à un tournant. Pour Modibo Mao Makalou, son succès repose sur une gestion rigoureuse et une vision stratégique, afin de transformer les richesses minières en moteur de développement durable.