C’est un épisode de plus dans le cumul d’évènements qui ont propulsé le Mali au beau milieu d’une crise sociopolitique dont il était déjà bien en peine de remonter la pente. Le président Ibrahim Boubacar Keïta a démissionné. Cerise sur le gâteau de ce qui n’est autre qu’un coup de force militaire opéré par le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), il a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement restreint en place depuis seulement quelques semaines. Quel que soit le tableau de bord utilisé pour justifier cette rupture ou la condamner, il est incontestable que les derniers développements au Mali ouvrent une phase d’incertitude dans un pays où tous les voyants étaient depuis longtemps au rouge. Les mobilisations dans la rue au cours de ces derniers mois pour réclamer la démission du président ne sont que la conséquence d’un pourrissement qui remet en cause plusieurs années d’efforts dépensés par le pays et les partenaires pour casser le cercle vicieux des crises.
Mais il n’y a pas eu d’embellie dans la grisaille malienne, au contraire. Les crises se sont multipliées : au nord, dans les régions du centre, et Bamako est restée agitée à travers des mouvements sociaux conduisant ainsi à une convergence des crises. Malgré la gravité de la situation, que traduisait la grogne anti-IBK qui s’exprimait à travers la contestation menée par le M5-RFP ces derniers mois, nous avions cru avoir été débarrassés du manteau corrodant de ce que certains ont appelé la « malédiction des coups d’état », qui fait que depuis plusieurs décennies des populations en liesse (ou en détresse) acclament les coups de force orchestrés par des militaires sans que, nulle part, ne se pose la question d’une réflexion prospective sur les enjeux. Or, les problèmes vont au-delà des querelles de pouvoir et les analyses n’ont pas négligé, depuis quelques années, de pointer la gouvernance comme étant la boite de Pandore que les dirigeants successifs ne sont pas parvenus à fermer en installant une gestion vertueuse des affaires.
Notre démocratie était déjà malade, même très malade, et les récents évènements dont le coup de force militaire n’est que l’aboutissement portent un coup de grâce à ce qui en reste. Le bâton des sanctions agité ou brandi par la CEDEAO, comme à son habitude, pourrait nous valoir des jours difficiles à vivre dans un pays déjà malmené par les difficultés socio-économiques corsées par la crise sanitaire liée au coronavirus. Ce qui attise les inquiétudes des voisins ouest-africains, c’est qu’une situation hors contrôle au Mali, considéré depuis longtemps comme l’épicentre de l’instabilité dans la région, sera lourde de conséquences pour la gestion des processus électoraux en cours dans ces pays, notamment sur le plan sécuritaire.