Au Tchad, un coup d’État qui ne dit pas son nom contre les institutions a été perpétré par le Conseil militaire de transition (CMT) à la suite de la mort d’Idriss Déby Itno. Le pays pourrait ne pas subir de sanctions. Le monde n’y a vu que du feu.
Moins d’un an après le renversement d’Ibrahim Boubacar Keïta au Mali, il s’est produit un coup d’État qui ne dit pas son nom au Tchad à la suite de la mort tragique et soudaine d’Idriss Déby Itno. Celui dont la victoire venait d’être confirmée pour un sixième mandat, à la suite d’une énième mascarade électorale, trépassait après des « blessures reçues au front », selon la version officielle qui a du mal à recueillir l’adhésion. Pas celui sur lequel il s’était vissé un képi de Maréchal, mais sur le terrain, arme à la main, imagine-t-on, touché par les balles d’une obscure rébellion dont toutes les médailles accumulées n’auront pas suffi à protéger son régime.
Idriss Déby Itno, chef de guerre s’il en était, disparaissait qu’aussitôt était annoncée sa succession par un groupe d’hommes en uniformes kaki à la télévision nationale. L’étonnement se poursuivait, car nous avons appris que ces militaires réunis au sein du Conseil militaire de transition (CMT) étaient menés par un autre Déby. Seuls diffèrent l’âge et un prénom, Mahamat, qui précédait les illustres initiales I.D.I.
« Le monde n’y a vu que du feu »
Une copie donc en plus jeune. Bien joué ! Car il semblerait que le monde n’y ait vu que du feu. On s’attendait aux foudres de l’Union africaine [qui s’est contentée d’un communiqué pour appeler à un retour du pouvoir aux civils], comme en août dernier chez nous [au Mali], un esclandre de l’Union européenne et un anathème de la France. Mais non. Pas de bafouement de la Constitution, ni viol de la démocratie. L’armée tchadienne aura décidemment rendu trop de services à bien trop de pays pour qu’on s’offusque trop bruyamment.
Vite, le Conseil militaire de transition (décidemment un type de formation politique en vogue dans le coin) se dépêche de parer de quelques guenilles institutionnelles, via un communiqué, une passation souhaitée par celui à qui le pouvoir (constitutionnellement) revenait. Il s’agissait du président du parlement. Tiens, la chambre, comment réagit-elle ? Oh, elle dormait déjà. Profondément. Ils l’ont dissoute dans son sommeil. Sans douleur. Et le gouvernement ? Le CMT décide, le gouvernement s’(auto) exécute.
Le président congolais, Felix Tshisekedi, en souvenir de l’appui précieux en 1998 pour Kabila père, décrète une journée nationale chez lui (les Kivutiens apprécieront). Le Mali a décrété trois jours de deuil national. Macron, présent lors de l’enterrement à N’Djamena, semble ému lors des funérailles (craint-il d’avoir à faire le deuil du seul allié solide pour Barkhane?). Il a promis l’intégrité et la stabilité pour le Tchad (les Libanais pourront attester de tels engagements).
« Realpolitik »
D’autres présidents sont venus, non pour négocier un cadre de concertation avec une éventuelle opposition, les conditions à la levée de sanctions. Non, si tous sont venus, c’était pour commémorer cet homme et s’assurer que sa progéniture continue d’envoyer ses hommes où cela est jugé nécessaire. Une transition donc sans sanctions !
On rétorquera « realpolitik » dans un contexte de menace terroriste. Mais c’est au nom de cette realpolitik qu’on enterre tout projet politique. C’est sous le sable de cette unique optique de guerre anti-terroriste qu’on enfouit constitutions et institutions.