Zié Mamadou Koné est arrivé 2e dans le cadre la 3e édition du prix Boukary Konaté, du nom du premier président de la Communauté des blogueurs du Mali (Doniblog). Son billet porte sur l’impact de la Covid-19 sur le secteur du transport en Afrique de l’Ouest.
Tee-shirt blanc, babouches noires aux pieds, Amadou D. habite à Sogoniko, en commune VI du district de Bamako, près du grand terrain de football. C’est là-bas que nous l’avons rencontré. Depuis l’irruption de la pandémie de Covid-19, le « grin » est devenu son lieu de prédilection. Sur un ton un peu brut de décoffrage, le transporteur de profession, sexagénaire, nous explique le tournant qu’a pris sa vie avec la Covid-19.
Père de 8 enfants dont le premier à 22 ans, il travaille dans une compagnie de transport qui dessert le Mali et plusieurs pays voisins dont la Côte d’Ivoire, le Niger et le Burkina-Faso. Ce travail lui permet de prendre en charge sa famille et de faire quelques économies pour d’autres projets. Mais avec l’apparition de la pandémie de coronavirus, tous ces projets sont à l’arrêt.
Pour prendre en charge sa famille, A. D a dû recourir à ses économies. « Avant l’apparition de la pandémie de la Covid-19, je suis parvenu à économiser 500 000 francs CFA que j’envisageais d’investir dans ma maison en chantier qui se trouve à Sénou afin de quitter la location. Contre toute attente, cette pandémie de Covid-19 est venue bouleverser tout mon programme », déplore-t-il. Avant d’ajouter : « Après plusieurs mois sans salaire, j’ai été obligé d’utiliser mes économies pour sauver non seulement mon honneur, mais aussi celui de ma famille. Et aujourd’hui, on ne sait plus que faire. Seul Dieu peut nous venir en aide ».
Réouverture des frontières
Comme les autres compagnies de transport, celle qui emploie A. D n’avait rien prévu en cas de crise de cette envergure. Les conséquences se sont très vite révélées terribles ! Le promoteur, face à la situation d’urgence, n’a eu d’autre choix que d’immobiliser ses bus et mettre en chômage technique ses employés. Une situation compliquée pour le père de famille qui avait délaissé le transport interurbain au profit du transport sous-régional.
Surpris et dépassé par la décision de la direction, A. D, pour sauver les apparences, faisait semblant d’aller au travail comme d’habitude. « Je n’avais nulle part où aller. Je ne pouvais pas non plus rester à la maison pour croiser quotidiennement le visage désespéré de ma femme et de mes enfants, et être à l’abri des questionnements et regards du voisinage », explique-t-il. « J’avais retrouvé le sourire avec l’annonce de la réouverture des frontières terrestres pour le 31 juillet 2020 par les autorités de notre pays. Mais deux semaines après, rien n’a changé, les frontières restent fermées et nous n’avons pas pu reprendre le travail. Nous n’avons d’autre choix que de prendre notre mal en patience. »
Fonds social indispensable
A.D vit cette mauvaise passe avec sa femme dont le petit commerce permet au couple de tenir. C’est cette petite activité qui lui permet aujourd’hui de faire face aux dépenses de la famille. Et c’est un soutien de taille en cette période de Covid-19. Battante et courageuse, elle reste toujours optimiste.
Dans ce moment pénible de leur existence, il peut compter sur la prière et la bénédiction de sa famille en premier lieu, notamment celles de sa femme. « La Covid-19 nous fait vivre l’un des pires moments de notre existence. Je ne dors presque plus et je n’arrête pas de penser à ce que mon mari est en train de vivre. Je n’arrête pas de prier pour que les activités puissent reprendre normalement. Nous avons beaucoup souffert », lance la femme d’AD.
Pour A. D, la pandémie de coronavirus fera partie des mauvais souvenirs de sa vie. Tout comme lui, beaucoup de transporteurs vivent dans les mêmes conditions. Il est aujourd’hui indispensable pour chaque compagnie de transport de disposer d’un fonds social conséquent pour éviter de telles situations dans l’avenir.
Ce billet a été écrit dans le cadre du concours avant la réouverture effective des frontières