Les devins occupent de plus en plus de place dans notre quotidien, et sont pour beaucoup dans l’effritement des relations entre les membres d’une même famille, les citoyens d’une communauté voire entre l’homme et sa femme, écrit le blogueur Fousseni Togola, qui appelle à un abandon de ces pratiques.
La divination constitue une valeur héréditaire dans la plupart des sociétés maliennes. Jadis, cette pratique participait à la construction de sociétés plus solides, puisque le désir du gain n’était pas l’ambition première de ces praticiens. Ces derniers se rendaient utiles à leurs communautés parce qu’ils constituaient des formes de conseillers en plusieurs domaines.
Les devins sont, en effet, des personnages importants dans la société. La conscience collective leur prête des pouvoirs pour régler tout type de problème, faire des miracles, voire même de changer le destin. Ce qui pousse les gens à recourir à leurs services. Mais de nos jours, cette pratique est devenue un gagne-pain. N’importe qui peut le faire. Chose qui participe à la déconstruction des tissus sociaux. Il est temps que les mentalités changent. Surtout qu’il apparaît de plus en plus que les devins abusent de la crédulité de celles et ceux qui viennent les consulter.
Une société d’ennemis
Chacun considère son prochain comme son ennemi sur la simple base des prédictions des supposés devins. L’art divinatoire devient de plus en plus un marché florissant.
La jeune Maimouna s’est mariée au riche Issa, et six mois après l’union a tourné court.
En larme, elle explique les raisons du divorce : « Mamoutou est le devin de mon mari. Quand les affaires de ce dernier commencèrent à ralentir après mon mariage, il s’est rendu chez son devin qui lui aurait dit que je suis possédée par des mauvais esprits responsables de sa situation. Sans chercher à comprendre, il m’a demandé de faire mes valises. »
Comme Maimouna et Issa, beaucoup de personnes se sont ainsi séparées. Amadou et Ismaël, deux hommes du même sang, se sont tournés le dos à jamais à cause des propos divinatoires. Amadou a eu la chance d’accéder à la fonction publique juste après ses études, pendant que son grand frère Ismaël traine depuis des années à la recherche d’un boulot, qu’il n’a jamais trouvé. Aigri, Ismaël se rend chez le vieux Famoro, un devin devant l’éternel pour tout le village, qui lui a fait savoir que son jeune frère avait fait des sacrifices afin de l’empêcher de réussir. Ainsi, les deux frères sont devenus des ennemis jurés au point de ne plus habiter la même concession.
Diminuer le poids des superstitions
Ce phénomène, qui marque de plus en plus les communautés, constitue un véritable problème de société. Sa résolution participe à la cohésion sociale. Les hommes doivent parvenir à se libérer de certaines de ces croyances qui ne peuvent que mettre nos sociétés en retard en menaçant le vivre-ensemble. Pourtant, il y a quelques mois, Ismaël s’est excusé auprès de son jeune frère pour avoir douté de lui. C’est grâce à ce dernier d’ailleurs qu’il a pu décrocher un boulot très intéressant.
Pour des familles, des communautés solides, seul le dialogue peut nous aider à surmonter nos difficultés. Le développement social n’est pas possible sans la confiance entre les hommes, qui passe aussi par l’abandon de telles pratiques.