Le gouvernement a plafonné le prix de certains produits de première nécessité pour soulager les populations. Mais à Kayes, les populations peinent à sentir l’effet de ces grandes annonces. Pis, la tendance est à la flambée des prix.
Le 25 mars, le Mali a enregistré ses premiers cas testés positifs au Covid-19. Le lendemain, le chef de l’État a annoncé, dans son adresse à la nation, le renforcement des mesures édictées, quelques jours plus tôt, par le gouvernement pour faire à la pandémie. Ce qui a engendré une restriction de mobilité des populations, mais aussi des activités pour plusieurs couches sociales. Pour diminuer l’impact de ces restrictions sur les populations, le chef de l’État a déclaré que des mesures sociales vont être prises.
C’est dans ce sens que le Conseil national des prix a tenu une session, le 2 avril 2020, sous l’égide du ministre de l’Industrie et du Commerce, Mohamed Ag Erlaf. À l’issue de cette rencontre, les prix de certains produits alimentaires de grande consommation ont été plafonnés. Ainsi, il a été décidé que la tonne du sucre aura comme prix en gros 450 000 francs CFA, soit 500 francs CFA/kg. Pour le riz brisé non parfumé, le prix de gros de la tonne est fixé à 300.000 francs CFA, soit 350 francs CFA/kg. Pour le tourteau de coton, le prix de gros de la tonne est 140 000 francs CFA, soit 7350 francs CFA/sac.
Une vingtaine de commerçants interpellés
Mais à Kayes, le respect de ces prix semble être pour le moment un vœu pieux. Les populations accusent les commerçants qui, à leur tour, jettent la pierre à l’État. S’agissant du riz brisé non parfumé, si l’État exige de le vendre à 350 francs CFA/kg, plusieurs commerçants détaillants le cèdent ici à Kayes à 400 francs CFA/kg. Ainsi, les populations reprochent aux commerçants leur « cupidité » et leur manque de volonté quant au respect des prix fixés par l’État.
Dans le quartier de Kayes N’di, les populations se plaignaient de la flambée du prix de détail du riz brisé non parfumé. Mais la direction régionale du commerce, de la consommation et de la concurrence, gendarme des prix, a volé au secours des populations. Début avril, elle a appréhendé environ une vingtaine de commerçants qui vendaient le kg du riz brisé non parfumé à 400 francs CFA. Ils ont été interpellés, leurs boutiques fermées et ont écopé chacun une amende de 25 000 francs CFA. Des cas de soupçon de hausse de prix avaient été signalés à Bafoulabé et à Selingué. Une équipe de la direction du commerce, de la consommation et de la concurrence a été dépêchée sur les lieux.
Écarts entre le prix de gros et celui de l’État
Du côté des grossistes, même constat. Au grand marché de Kayes, A. Diallo, commerçant, explique qu’il vend la tonne du riz brisé non parfumé à 310 000 francs CFA, contrairement au prix (300.000 francs CFA) annoncé par le gouvernement. LA conséquence en est que si les détaillants achètent à ce prix, il est difficile qu’ils puissent céder le kg à 350 francs CFA.
Samassa, un autre commerçant demi-grossiste, chapelet dans la main droite en train de l’égrener, confie dans le même marché qu’il achète la tonne du riz brisé non parfumé à 330 000 francs CFA, soit 20 000 francs CFA de plus que le prix de vente du premier grossiste et 30 000 francs CFA de plus que le prix fixé par le gouvernement. Avec de tels écarts entre le prix de gros et celui l’État, il est facile de comprendre que les détaillants ne font pas de hausse de prix.
Constat inquiétant
Pour le tourteau de coton, le constat est encore plus inquiétant. H. Baldé est l’un des plus gros distributeurs à Kayes. Selon lui, à l’usine de Sikasso, le prix de gros de la tonne de tourteau est au-dessus du prix fixé par l’État. En achetant dans ces conditions, il doit aussi payer le transport entre Sikasso et Kayes, soit plus 1000 km. Il ajoute qu’il est impossible qu’il vende la tonne à 140 000 francs CFA. Son prix de vente par tonne est 150 000 francs CFA, soit 8000 francs/kg.
À l’usine de Kita, indique M. Baldé, le prix est encore plus cher qu’à Sikasso. Il en conclut que le gouvernement a parlé pour faire remonter les populations contre les commerçants. Avant de prendre ces mesures, certains commerçants estiment que le gouvernement devait donner un délai pour leur permettre d’écouler les produits stockés achetés à de prix élevés.
Pour le respect strict de ces prix, le gouvernement devrait s’assurer du prix de vente dans les usines, chez les importateurs qui ont bénéficié de subvention. Après ces deux pivots de la chaîne, il va vérifier auprès des grossistes et chez les détaillants pour mieux satisfaire les populations.