Mali : face au Covid-19, faire appel à la responsabilité individuelle et collective
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Mali : face au Covid-19, faire appel à la responsabilité individuelle et collective

Loin d’imaginer qu’une juxtaposition de pratiques fortement conseillées par des professionnels de santé ailleurs serait inefficace, Mohamed Maïga préconise de faire prioritairement appel aux bonnes pratiques sociales et cultuelles dans la gestion du Covid-19 au Mali.

L’impossibilité pour le système sanitaire, hospitalier malien, d’absorber en l’état cette maladie, ajoutée à la défiance des populations face à l’autorité publiques et aux difficultés des centres de santé communautaires – au niveau des collectivités – ne permettent pas une gestion classique. Cette crise rappelle à chaque pays l’importance d’avoir un système médical bien portant en continu avec des hôpitaux comme centre prioritaire. L’Allemagne arrive à gérer encore, car le plan d’urgence sanitaire de l’État central vient déjà trouver un maillage territorial et un système de santé bien portant, avec des hôpitaux équipés, des centres de recherche rayonnants et des professionnels de santé et du paramédical bien formés. A cela, il faut ajouter le rôle des « Länder ». Et malgré cela, la gestion n’est pas facile.

En France, il n’est plus à rappeler que pendant la crise dite des « gilets jaunes », la mobilisation du secteur hospitalier a retenu l’attention de beaucoup de français. Et comme un présage, cette crise a suivi comme pour prouver réellement que le secteur hospitalier n’allait réellement pas bien. Cependant, en même temps, on découvre que la recherche française reste très active malgré les difficultés, à l’image des propositions du professeur Didier Raoult et des débats sur les méthodes scientifiques.

Aller encore plus loin dans la décentralisation

En Allemagne ou en encore en France, les États régionaux et les collectivités jouent un rôle important dans la coordination locale du plan de l’État central. Et il faut rappeler, dans ce sens, que certains centres hospitaliers locaux et intercommunaux en particulier jouent un rôle central dans la réponse à cette crise. Cela doit rappeler, au Mali, la nécessité d’aller encore plus loin dans la décentralisation avec une régionalisation renforcée autour de la notion d’autonomie.

En outre, l’hôpital et la recherche au centre du système de santé et le tout fonctionnant relativement bien est un privilège vers lequel le Mali devra nécessairement tendre. Ce, en misant sur un accroissement des moyens des hôpitaux, sur la recherche scientifique en développant l’industrie pharmaceutique nationale. Et surtout en développant simultanément l’accompagnement à l’autonomie et à l’émancipation des populations avec l’appui des collectivités. Car disposer d’un système de santé est une chose, mais il devra servir des populations qui connaissent son utilité en tout temps.

La réponse du Mali à la crise sanitaire ne sera pas évidente

La première raison est celle évoquée précédemment : le Mali ne dispose pas d’un système de santé capable d’absorber la crise du Covid-19. La politique de l’hôpital n’ayant presque jamais été réellement audacieuse en termes d’investissement et de recherche, cette incapacité d’absorber reste donc logique. De ce fait, l’hôpital n’est pas aujourd’hui l’arme principale du Mali dans la guerre contre le coronavirus. Cet aspect a été entre autre rappelé par le président de la République lors de son allocution du 25 mars à la télévision nationale. Les statistiques existantes en termes de matériels disponibles ne sont pas des plus rassurantes.

Par ailleurs, une autre carence rejoint celle individuelle et collective en termes d’autonomie pour faire face à la crise sans un grand accompagnement de la part de l’État central. Si les populations étaient assez autonomes dans la logique d’auto-organisation individuelle et collective d’urgence, il y aurait sans doute de grandes chances de riposte sociale sans appui incontournable de l’État. L’autonomie individuelle, pour bien comprendre mes propos, c’est bien ce que j’exprimerai non pas comme l’idée d’une liberté continuellement accrue pour l’individu. Mais au contraire, l’idée d’accompagner cet individu à aimer, à apprécier, par lui-même, le sacrifice que lui demande l’idéal social et moral qu’il devrait ou devra servir. J’évoque donc, par cette autonomie individuelle, la possibilité de transformer quelque chose qui relève au départ d’une soumission à une adhésion avec un consentement. Et la capacité d’auto-organisation est cela que l’on trouvera dans les petites communautés avec des systèmes d’alerte et des systèmes de riposte rapide.

Dans cette optique, qu’il s’agisse des individus ou encore des groupes, une chose est certaine : le niveau d’autonomie, d’émancipation individuelle et collective ne permet pas d’avoir un niveau de riposte pouvant contrebalancer efficacement les carences du système de santé, de l’hôpital, de l’État et des collectivités. Ce qui est attendu des populations pendant cette crise, c’est le respect strict des consignes de l’appareil étatiques par les populations afin d’espérer un « effet amortisseur » sur le système de santé. Cet effet permettra d’amoindrir le choc pour les hôpitaux et le système de santé. La troisième raison, c’est bien celle de l’immensité du territoire national et de la difficulté de l’État pour atteindre certaines zones.

Les bonnes pratiques

J’évoque la bonne pratique dans le sens d’un geste d’usage répété par un groupe d’individus dont la pratique répétée a permis de constater à plusieurs occasions des biens faits sur l’individu et son environnement. Au regard de l’aspect sanitaire dont il est question ici, les autorités sanitaires ont tout intérêt s’intéresser à ces bonnes pratiques en les répertoriant et en insérant une dimension « précaution sanitaire ».  L’usage des pratiques auxquelles je fais référence peut être originellement issues de façon intrinsèque à l’évolution du vivre-ensemble dans un groupe d’individus, à la religion, à la culture.

Loin de penser à nier l’efficacité des bonnes pratiques recommandées, il serait judicieux d’adopter des pratiques liées à la vie de groupe. Imposer des pratiques communes extra-sociales dans un pays comme le Mali conduirait à des résultats à impacts compromis. Nous avons un pays de défiance face à l’autorité publique. Il faut donc faire appel à la responsabilité individuelle et collective. Face à la crise sanitaire, de même que face à  la crise territoriale, le niveau de déconcentration des services et de décentralisation du pays est toujours une problématique majeure. Car, il faut rappeler que c’est l’État central à Bamako qui sera encore observé par tous et qui va devoir organiser tout cela sans aucune participation « constitutionnelle » des collectivités territoriales. Dans ce sens, et face aux problématiques sécuritaires, ce ne sera pas non plus aisé à gérer si le Nord du pays venait à être atteint.


Mohamed Maïga est ingénieur social, intervenant sur les politiques socio-économiques de territoire. Il est le directeur de Aliber Conseil.

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