Depuis le début de la crise sécuritaire, au Centre, s’il y a un secteur qui souffre énormément, c’est certainement celui des réparateurs d’engins à deux roues de la ville de Mopti, écrit le blogueur Yacouba Dramé.
Lorsque les attaques djihadistes se sont multipliées dans les régions du centre (Ségou et Mopti) et celle du nord, les autorités ont décidé d’interdire la circulation des engins à deux roues et des pick-up dans certaines localités. Cette mesure d’interdiction a frappé de plein fouet un secteur qui était déjà agonisant au début de la crise en 2012.
Les réparateurs de motos se comptent par centaines dans la ville de Mopti, selon le président de l’Association des jeunes réparateurs, qui compte également dans ses rangs les vendeurs de pièces détachées. « Nous sommes des chefs de famille et nous venons au marché pour chercher notre gagne-pain. Mais, la situation est telle que nous passons des fois toute la journée assis sans avoir un seul client », explique-t-il.
Issa Diarra, mécanicien lui aussi, indique que la source du problème n’est rien d’autre que l’interdiction de la circulation des motos et pick-up dans certaines localités des régions de Ségou, Mopti et Tombouctou, annoncée par le chef d’état-major des armées, le 2 février 2018. « Avant l’avènement de la crise, je pouvais réparer entre cinq à dix motos par jour, sans compter les entretiens mensuels de motos que certains services me demandaient de faire. Mais aujourd’hui, c’est la période des vaches maigres », se désole-t-il.
Il faut rappeler que la plupart des attaques dans le Centre, rarement revendiquées, sont souvent attribuées à des individus venant à moto, complexifiant davantage leur mode opératoire dans un contexte de guerre asymétrique. Le commandement militaire a donc décidé de lier l’utilisation de ces engins à une autorisation préalable délivrée par ses soins.
Mais, l’adhésion de la population à cette initiative se fait toujours attendre, car elle touche un droit fondamental : celui de la libre circulation des personnes et des biens.
Après presqu’une année d’application, c’est l’efficacité d’une telle mesure qui est remise en cause, car elle a beaucoup contribué à l’étouffement de l’économie locale. Les problèmes de délivrances des autorisations pour circuler, le comportement inadéquat de certains porteurs d’uniforme usant de la force pour brûler les engins saisis, ont fini par écorner l’image de l’armée dans cette région.
La souffrance de la population n’a certes pas commencé en 2018, mais elle a atteint des sommets avec des villages quasiment coupés du reste du monde, qui n’arrivent pas à se ravitailler en denrées de première nécessité. Ce qui montre que la situation ne cesse de s’empirer.
Cette situation désastreuse ne se limite pas aux seuls réparateurs, les commerçants qui vendent les motos aussi sont largement touchés. M.Guitteye, un grand commerçant, dont la boutique est située sur la « digue de Mopti », a vu ses ventes de motos se réduire considérablement à cause de la situation sécuritaire qui l’empêche d’écouler ses marchandises vers les zones inondées, qui se trouvent en situation d’insécurité totale. Selon lui, si rien n’est fait, l’économie de la ville de Mopti risque d’en pâtir pour des années.
La mesure d’interdiction de circulation des engins à deux roues, combinée avec celle prise par le gouverneur de la région par rapport à l’arrêt de tous les moyens de transport qui desservent la ville de Mopti à partir de dix-huit heures, ont joué un très grand rôle dans la situation morose de l’économie de la cinquième région administrative du Mali.
Rétablir la sécurité est certes important. Que l’État s’y attèle réellement afin que la circulation des motos retrouve l’ampleur qu’elle avait par le passé. Les réparateurs doivent vivre de leur métier comme tous les autres citoyens.
Très cool
Même s’il faut modérer en laissant les motos circuler de 6h à18h