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A Mopti, l’herbe est une richesse

Le Mali, avec sa grande diversité culturelle, permet chaque jour une découverte et les réalités sont différentes d’un point à un autre. Dans la région de Mopti, les espaces de pâturages sont à la fois sources de richesses et de tensions, écrit le blogueur Aliou Diallokei.

À Mopti, en milieu peul, le système foncier est organisé autour des leydi (terroir en fulfuldé), gérés par des chefs peuls sédentaires appelés jowro (maîtres des pâturages/terres). Cette organisation du régime foncier remonte à bien avant la Dina (empire théocratique) de Sékou Amadou. Une famille peut à elle seule posséder des centaines d’hectares et la limite de chaque propriété est le début d’une autre. Et cela, dans toute la zone dénommée le Bourgou, plus d’un siècle avant l’élaboration de la Charte pastorale en 2001.

Ce privilège, accordé il y a des siècles, permet aux grandes familles propriétaires de se faire énormément d’argent aujourd’hui. Toutes ces terres étant inondables et, donc zone de culture du riz par excellence. Les premières gouttes de pluies annoncent le début de la grande transhumance des animaux : tous les animaux remontent vers des zones non inondables, le temps pour les cultivateurs de terminer leurs travaux champêtres.

Négociations pour l’accès aux bourgoutières

Ce cycle annuel permet une grande cohésion entre les habitants de la zone composée, majoritairement, de cultivateurs et d’éleveurs. Au moment du retour de la transhumance, les familles qui ont énormément d’animaux mais sans terres sont obligées de négocier à coup de millions le droit de faire paître leurs animaux dans les bourgoutières (prairies appartenant au jowro).

Hamad Gondo est propriétaire d’une centaine de têtes. A la question de savoir pourquoi chaque année il paie le conngi (droit de passage) aux jowro pour avoir accès aux bourgoutières, il répond : « C’est comme ça, nos parents faisaient la même chose. Donc, on ne fait que perpétuer la tradition. Le seul problème est que certains propriétaires veulent chaque année augmenter le prix de l’herbe et c’est compliqué. Or, on ne peut pas ne pas acheter sinon nos animaux ne trouveront pas où brouter ».

Bénéfices repartagés

Par le passé, les propriétaires de terres acceptaient des génisses à traire pendant un ou deux mois, et l’animal retournait chez son propriétaire après. C’était avant. Aujourd’hui, des motos même sont offertes aux propriétaires pour accéder aux bourgoutières.

« Nous avons hérité ce droit de nos parents, explique Samba Guelladjo, issu d’une famille de propriétaires. C’est vrai qu’au temps de nos aïeux, ça ne rapportait pas comme aujourd’hui, mais chaque génération à sa chance. Nous, du moins dans ma famille, nous avons des personnes à qui nous prêtons nos terres, mais le bénéfice qu’on en dégage est faible. Parce que la famille est grande et large alors qu’il faut partager. Comment partager 2000000 FCFA pour 100 personnes répartie en foyers ? Ça ne représente rien ! »

Source de conflits

Si elles sont devenues une véritable source de richesse, les bourgoutières n’en demeurent pas moins sources de conflits au sein des Peuls, qui se réglaient autrefois par le biais de bâton (le fameux sawourou du peul ou moldu). « On ne connaissait pas la kalachnikov », lance un vieux qui a pu assister à ces échanges. Le conflit pouvait opposer les membres de la famille propriétaire ou deux grandes familles propriétaires.

La solution à ces querelles passait toujours par le recours aux mécanismes traditionnels de règlements des conflits (griots, érudits). Aujourd’hui, ces mécanismes ont montré leurs limites surtout parce qu’il est arrivé très souvent que la justice moderne, celle de l’État, récupère directement les conflits. Et les supports de conflits aussi ont changé : les kalachnikovs ont remplacé les bâtons.

A son arrivée, le prédicateur radical Hamadoun Kouffa, en plus d’opposer les communautés, prônait dans ses prêches la fin du paiement du droit de passage. Ce discours n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd : pour toutes les familles qui étaient obligées de payer pour faire paître leurs bêtes, Hamadoun Koufa était devenu un apôtre du changement. Même s’il n’a pas réussi à interdire le paiement du droit de passage pour avoir accès aux pâturages, il est très souvent arrivé que ses éléments imposent aux propriétaires de terres des prix pour l’accès.

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