Au Mali, les effets des changements climatiques renforcent une insécurité grandissante, amplifiant des tensions sociales et amplifiant les défis socioéconomiques.
Le Mali fait face à une double crise sécuritaire et climatique. Aujourd’hui, les aléas climatiques ne sont plus seulement des phénomènes isolés : ils catalysent une insécurité qui s’étend du niveau local aux structures de gouvernance nationale.
Les signes de cette crise climatique sont flagrants. En avril 2024, le Mali a subi une vague de chaleur historique, avec des températures atteignant les 45°C. Ce phénomène s’ajoute à une tendance à la baisse des précipitations qui, depuis les années 1970, a réduit de 5 à 10 % les ressources en eau du pays.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévient que cette sécheresse récurrente pourrait réduire la production alimentaire malienne de 15 % d’ici 2030. Pour un pays où plus de 80 % de la population dépend de l’agriculture, ce déclin est synonyme de précarité alimentaire et de facteurs aggravants les tensions.
Les inondations constituent l’autre visage de cette crise climatique. 75 personnes ont été tuées, 148 blessées et 250 305 autres ont été affectées par les inondations au Mali, a annoncé fin septembre la Coordination nationale de gestion des crises et des catastrophes naturelles. 591 cas d’inondations ont été enregistrés au Mali du 1er août 2024 à la date du 27 septembre, selon la même source.
Tensions autour des ressources naturelles
Ces événements fragilisent les infrastructures et les services de base, alimentant une insécurité qui dépasse les seules conséquences climatiques pour s’infiltrer dans le tissu social du pays.
Les ressources naturelles, longtemps perçues comme une bénédiction, sont désormais au cœur des conflits « locaux ». Au Mali, près de 80 % des tensions sociales découlent de disputes liées à l’accès à la terre et à l’eau. Les sécheresses intensifient ces rivalités en réduisant les surfaces cultivables et les points d’eau, des ressources indispensables pour les éleveurs et les agriculteurs, qui doivent se partager un espace de plus en plus restreint. Ces conflits ne se limitent pas aux communautés rurales : ils alimentent également les tensions avec des acteurs économiques puissants, comme ceux impliqués dans l’exploitation minière et forestière illégale.
Dans ce contexte de dégradation écologique et sociale, les structures de gouvernance locale peinent à répondre. Les départs forcés, associés aux conflits armés, ont conduit au déplacement d’autorités traditionnelles et à la perte de savoirs locaux indispensables à une gestion durable des ressources. Les systèmes de gestion foncière, autrefois gérés par des conseils de village, sont aujourd’hui affaiblis, quand ils ne sont pas purement et simplement cooptés par des groupes armés. Cette situation prive les communautés de solutions « traditionnelles », autrefois efficaces pour gérer les ressources en période de pénurie.
Investir dans l’adaptation
Malgré ce tableau sombre, des initiatives locales et internationales montrent qu’une adaptation est possible. En parallèle, l’agroforesterie, soutenue par des ONG, aide les agriculteurs à diversifier leurs cultures tout en préservant les sols. Ces efforts se traduisent par une augmentation des revenus et de la capacité de résilience des communautés face aux aléas climatiques.
Cette double crise exige une réponse intégrée qui combine renforcement des capacités locales et médiation entre les communautés. Les initiatives de formation et de gouvernance collaborative doivent être intensifiées pour aider les autorités locales à gérer durablement les ressources et désamorcer les conflits. Par ailleurs, les forums de médiation et les commissions de résolution de conflits, destinés à favoriser le dialogue entre éleveurs, agriculteurs et exploitants, s’imposent comme des outils indispensables pour un retour à la stabilité.
Il faudrait également investir dans l’adaptation climatique, à travers des infrastructures résilientes et des programmes de sensibilisation. Ces investissements permettront non seulement de réduire les impacts des changements climatiques, mais aussi de contenir les tensions sécuritaires qui en découlent.