Bâtiments délabrés, équipements didactiques vétustes et insuffisants, espace scolaire et universitaire inadéquat pour un apprentissage de qualité, effectifs pléthoriques, administrateurs scolaires et enseignants laissés à eux-mêmes et peu soucieux de l’avenir des apprenants. Voilà à quoi ressemble l’école publique malienne, du niveau fondamental au supérieur.
Le sort réservé à l’éducation malienne est inquiétant. Un seul système éducatif, deux types d’écoles : un pour les nantis, un autre pour les pauvres. L’éducation, un droit constitutionnel pour tous les citoyens, se trouve aujourd’hui diversement offert selon que l’on soit pauvre ou riche.
À travers une politique de privatisation à outrance mal gérée, les pouvoirs ont « méthodiquement liquidé le système éducatif », pour reprendre l’éditorialiste feu Adam Thiam, en détruisant surtout l’école publique. Résultat des courses : à côté d’une école publique méprisée, les écoles privées gagnent en notoriété. Elles accueillent les enfants des privilégiés de la société, gagnent des moyens financiers importants et se trouvent en capacité d’investir en elles et se bâtir un cadre adéquat qui garantit de meilleures conditions d’études.
« Liquidation methodique »
L’école publique, quant à elle, a arrêté de bénéficier de l’attention des pouvoirs publics. Des bâtiments délabrés dans lesquels tout manque pour offrir des conditions d’études de qualité. Un personnel enseignant recruté et payé aux frais du contribuable, et qui, au regard de ses conditions de vie, sacrifie ses heures de cours dans le public pour s’orienter et consacrer toute son attention au privé en vue d’arrondir les salaires de fin du mois.
L’école publique, parce que nos responsables publics ne se sentent pas concernés par son sort, est devenue aujourd’hui le réceptacle des enfants de pauvres qui n’ont pas d’autre alternative parce que les parents n’ont pas les moyens de leur offrir des conditions d’études de qualité.
Si par le passé au Mali, tous les enfants scolarisés fréquentaient les bancs de l’école publique et bénéficiaient ainsi des mêmes chances d’apprentissage, il faut se diriger aujourd’hui vers les écoles privées pour s’offrir les meilleures conditions d’études. Celles-ci ont eu la réputation d’être sérieuses et rigoureuses dans l’encadrement, de compter en leur sein les meilleurs enseignants dévoués à la tâche et d’offrir les conditions pédagogiques pour un enseignement de qualité.
Ces stucctures privées cherchent à drainer vers elles le plus grand nombre d’apprenants pour maximiser la rente. À telle enseigne qu’aujourd’hui, le nombre d’établissements d’enseignements privés demeure inconnu. Selon les chiffres indiqués par l’Association des promoteurs d’écoles privées agréées du Mali (AEPAM), lors de son assemblée générale de mai 2022, les écoles privées représentent 75% de l’éducation nationale.
En laissant libre cours à l’élan de privatisation dans le secteur de l’éducation, les pouvoirs publics n’ont même plus jugé utile de s’engager dans une politique acharnée de construction d’établissements d’enseignement public (du fondamental au supérieur) en grand nombre et de recrutement en masse d’enseignants pour garantir au plus grand nombre d’enfants maliens, sans cesse en croissance, le droit d’accès à une éducation de qualité .
Revaloriser l’école publique
L’école publique doit être la vitrine de l’éducation malienne. Elle doit accueillir et assurer la formation du plus grand nombre d’enfants du pays et être la plus enviée. S’inscrire dans une école privée devrait être un choix et non une obligation.
L’école publique doit redevenir le premier modèle et le premier repère en tant que structure d’enseignement. L’auto-déresponsabilisation des pouvoirs publics dans la primeur de l’offre des services de l’éducation au profit des établissements privés doit cesser. Aucun investissement ne doit être ménagé pour faire des structures d’enseignement public, du niveau fondamental au niveau supérieur, le premier cadre pour offrir des conditions d’études de qualité à tous les enfants du pays.
Pour aucun État sérieux au monde, il ne serait acceptable de permettre aux responsables publics de délaisser l’école publique et faire inscrire leurs enfants dans des écoles privées surpayées ou leur payer des études à l’extérieur au sein de structures d’enseignement de pays qui ont refusé de badiner avec leur éducation nationale. Laissant ainsi le bateau couler avec les enfants des pauvres qui devront se battre en vain pour s’en sortir.