Tombouctou : face à la Covid-19, « on s’en remet à Dieu »
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Tombouctou : face à la Covid-19, « on s’en remet à Dieu »

En moins de 10 jours, Tombouctou a enregistré plus d’une quinzaine de cas testés positifs à la Covid-19. Pourtant, une frange importante de la population continue de nier l’existence de la maladie. Les plus fatalistes disent « s’en remettre à Dieu ». 

À Tombouctou, les cérémonies sociales sont très importantes et attirent des foules. Ne pas participer aux cérémonies sociales de l’autre, c’est le pousser à t’en vouloir pour toujours. Les familles sont nombreuses comme dans la plupart des pays africains : tout le monde mange et dort ensemble, partage le même pot pour se désaltérer dans le canari familial.

Lorsqu’un membre de la famille est hospitalisé, presque tout le monde vient à son chevet. Certains vont jusqu’à apporter leurs fourneaux pour cuisiner au sein même de l’hôpital.

Des mesures foulées au pied

À Tombouctou, alors que la Covid-19 se répand, les rares personnes qui ont décidé de respecter les gestes barrières doivent faire face aux moqueries des autres. Une poignée de main refusée fait de la personne « un présomptueux » ou « un paranoïaque ».

Celui qui refusent de visiter les malades est accusé de mauvaise foi. Lorsque quelqu’un décède, on fait immédiatement appel au croque-mort. Le corps est enterré dans les deux heures qui suivent. Ceux qui accompagnent le défunt au cimetière se comptent par centaine. Même en cette période marquée par le coronavirus, rien n’a changé.

« Ce qui doit arriver arrivera »

Croire que tout revient à la volonté divine est le propre de certains  « Tombouctiens ». Ils s’accrochent à des idées comme « c’est Dieu qui décide », « ce qui doit arriver arrivera », « on ne peut rien contre le destin », « celui qui doit mourir mourra », « tout le monde mourra un jour de toutes les façons ». 

D’autres pensent que la Covid-19, comme tout autre rhume, ne survivra pas à la chaleur de la ville. Garba Hamèye, maçon de la ville, l’a clairement dit même dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux : « Je ne me laverai jamais les mains et il ne m’arrivera rien. Depuis plus de 16 ans, je suis sous ce soleil. Toute personne qui sue sera épargné, c’est Dieu qui l’aura voulu. Nous avons tout ici pour survivre ».

Voir pour croire

Certains vont jusqu’à croire que cette maladie est une comédie montée par les autorités pour pouvoir tirer profit des fonds destinés à la lutte contre la pandémie. 

Youssouf Abba, élève-maitre à l’Institut de formation des maîtres (IFM), n’y croit pas. Pour lui, les mêmes habitudes continuent, mais personne n’est atteint : « Ici rien n’est respecté. Nous prions à la mosquée, épaule contre épaule. Nous buvons dans le même pot. On prend le thé dans le même verre ». 

D’autres, comme Alpha, étudiant, conteste le fait que la maladie est à Tombouctou malgré les cas déclarés par les autorités sanitaires : « Je ne crois pas que cette maladie soit à Tombouctou. Je ne connais personne qui soit atteint. En plus, les tests se font à Bamako et ils peuvent bien mélanger les prélèvements et se tromper ». 

Les agents de la sante de la région animent pourtant, chaque jour, des ateliers de sensibilisation sur la Covid-19. Les leaders communautaires de Tombouctou sont informés sur les modes de transmission.  Les journalistes, activistes et blogueurs de la ville élaborent et véhiculent des messages de sensibilisation sur les réseaux sociaux et sur les radios chaque jour. Malgré tout, il y a une grande partie de la population qui se comporte comme si la maladie n’existe pas. 

Des comportements qui n’aident pas

« Normalement, lorsqu’un patient asymptomatique décède, son corps doit rester sur place jusqu’à l’arrivée des résultats afin que nous puissions prendre les dispositions. Mais les parents réclament le corps sur le champ. Sous la pression, nous sommes obligés de céder. Cela ne nous aide pas dans la lutte », déplore Dr Issa Diarra, épidémiologiste à l’Hôpital régional de Tombouctou

C’est ainsi que plusieurs personnes sont exposées au virus : ceux qui lavent le corps et ceux qui procèdent à l’inhumation traditionnelle. « Nous ne voulons priver personne de son droit. Les parents doivent nous laisser procéder au lavage du corps et de sa mise en linceul. Nous sommes conscients des rites qui doivent être accomplis », ajoute Dr Diarra.

À Tombouctou, si les choses continuent ainsi, nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer.

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