Tribune : l’implication des femmes dans le processus de paix est indispensable
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Tribune : l’implication des femmes dans le processus de paix est indispensable

Selon Safia Cissé, consultante sur les questions d’inclusion des femmes et des jeunes dans les dynamiques de développement et de résolution des conflits, l’implication des femmes dans la reconstruction de la paix au Mali et ailleurs devrait être perçue comme une contribution indispensable.

Bien qu’elles soient les plus vulnérables en période de conflits, les efforts et le potentiel des femmes ne sont pas reconnus, ni valorisés dans le processus de paix. C’était le sujet au cœur du colloque « Femmes, Paix et Sécurité au Sahel et en Afrique de l’ouest », organisé à Bamako par le Réseau de recherche sur les opérations de paix (ROP) de l’Université de Montréal, dans le cadre du projet « Activer le potentiel des femmes dans les processus de paix », financé par le gouvernement canadien.

Cet événement, auquel j’ai été invitée à participer, s’est tenu dans le sillage de la formation de 27 femmes activistes, fonctionnaires et actrices politiques en provenance du Burkina, de la Côte d’Ivoire, de la Mauritanie, du Niger, du Tchad et du Mali. Des « world café » ont eu lieu sur les rôles des femmes en lien avec les mécanismes de résilience, la construction de la paix, les conflits agropastoraux ainsi que les violences électorales.

Le lourd tribut

Ces thématiques m’ont semblé forts à propos dans le contexte malien, où la question de l’implication des femmes dans le processus de paix se pose avec acuité. De fait, il est fréquent d’entendre : « Les questions de paix et de sécurité sont une affaire des hommes et quand même nous voudrions impliquer les femmes. » Il s’agit là du plus grand défi, car le retour de la paix n’est possible que si les femmes prennent part à tous les niveaux du processus.

Au Mali, le processus de paix a manqué d’inclusivité en termes de genre. Pourtant, les femmes se sont engagées sur le terrain pour le retour à l’apaisement à travers plusieurs initiatives dont on peut citer l’élaboration d’une déclaration de soutien à la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, et l’organisation des activités de sensibilisation sur la paix et le vivre-ensemble.

Personne n’est sans savoir non plus qu’elles sont les plus vulnérables en période de conflits, comme c’est le cas actuellement dans le centre du Mali en proie aux tensions intra et intercommunautaires, attaques terroristes, banditisme. Au cours des six derniers mois, plusieurs massacres ont été commis dans des villages de la région de Mopti. Les enfants et les femmes en ont payé un lourd tribut. Elles deviennent des cheffes de ménage sans y être préparées et doivent s’adapter à un nouveau contexte de vie en tant que femmes déplacées, tout en assurant les besoins substantiels du ménage.

Même si cela ne doit pas nous faire perdre de vue qu’elles ont joué des rôles importants auprès des groupes armés non étatiques, notamment dans le renseignement, l’espionnage dans le Nord. Elles ont aussi servi d’épouses, de cuisinières, devenant ainsi de véritables actrices dans les conflits.

Reconstruction de la paix

Au regard de tout ce qui vient d’être dit, le retour de la paix n’est possible que si les femmes prennent part à tous les niveaux du processus de paix. Les femmes sont le plus souvent les premières à reconnaître les signaux des tensions susceptibles de dégénérer en violence. Elles sont également les premières à se mobiliser pour apporter les soins nécessaires aux familles et la réparation des économies détruites après un conflit. Ainsi, les femmes au même titre que les hommes devraient être impliquées dans les négociations pour parvenir à une paix durable. De même, leurs expériences et leurs besoins doivent être pris en compte tout au long du processus de reconstruction de la paix.

Une prise de conscience collective s’est concrétisée en 2000 à travers l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité. Dans cette résolution, il est demandé aux États membres de faire en sorte que les femmes soient davantage représentées à tous les niveaux de prise de décisions dans les institutions et mécanismes nationaux, régionaux et internationaux pour la prévention, la gestion et le règlement des différends.

C’est ainsi que des plans d’action nationaux pour l’application de la résolution 1325 ont été élaborés et adoptés dans les pays touchés par les conflits armés. Dans le cadre de leur en mise en œuvre, avec l’appui des ONG et des gouvernements, les femmes ont engagé des actions qui ont abouti à de véritables dividendes de paix. Parallèlement, il faut souligner l’existence des mécanismes traditionnels de résolution des conflits qui promeuvent l’implication et la participation des femmes dont la plupart méconnus par les femmes.

Un véritable frein

En dépit de tous ces efforts entrepris pour reconnaître le rôle que jouent les femmes dans le processus de paix, certains obstacles demeurent et sont liés au manque de capacités à suivre et évaluer ces plans d’action nationaux, à capitaliser leurs expériences et les résultats. A cela, viennent s’ajouter les pesanteurs socio-culturelles, le faible niveau d’instruction, le manque de synergie d’action entre les organisations féminines et le faible niveau de représentativité dans les instances de prise de décision. Toutes choses qui constituent un véritable frein pour qu’elles mettent en valeur leur importante contribution dans la reconstruction de la paix.

Il reste qu’aucune paix ne saurait se construire durablement quand les principales victimes ne sont pas associées aux processus de négociation et de paix. C’est en ce sens que Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’ONU, disait : « Nous ne pouvons plus nous permettre de minimiser ou d’ignorer la contribution de la femme et des filles à tous les stades de la résolution des conflits, de rétablissement, de consolidation de la paix, de maintien et de reconstruction. Une paix durable ne sera pas atteinte sans la participation pleine et égale des femmes et des hommes ».

C’est pourquoi, le rôle des femmes dans la construction de la paix devrait être perçu comme une contribution indispensable et non une démarche visant à rendre politiquement correct le processus.

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Les commentaires récents (1)

  1. Oui mais les vrais problemes ne sont pas dits. Comment faire pour que les femmes soient vraiment impliquées et efficaces ? Les slogans cest bien mais comment faire pour que cela marche et que cela constitue une vraie plus valu en faveur de la paix ?