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Violences sexuelles dans le Nord : mais où sont les plaintes ?

Au Mali, plus de cinq ans après, qu’est-il advenu des plaintes introduites par les femmes et filles ayant subi des violences sexuelles pendant l’occupation des régions du nord du pays ? Quelques semaines après la publication d’un article sur le viol où ces plaintes avaient été évoquées, Benbere fait le point.

Définies comme tout acte perpétré contre la volonté d’une personne et résultant de sa détermination biologique ou de son rôle spécifique en tant qu’être sexué, les violences basées sur le genre ont pris de l’ampleur à travers le monde. Au Mali, elles se sont amplifiées à la faveur de l’occupation des régions du nord du pays par une horde de groupes « djihadistes » et rebelles armés,  ainsi que lors de la crise en cours dans le centre.

Il y a deux semaines, Benbere publiait un article sur le viol dans lequel était mentionnée une étude, citée par Le Monde, selon laquelle environ 300 femmes sont violées chaque année au Mali. Alors que les régions du Nord étaient encore sous la férule d’une mosaïque de groupes « djihadistes » et rebelles armés, des femmes et des jeunes filles ont subi de nombreuses violences sexuelles, viols compris. Pour obtenir justice en faveur des victimes, plusieurs organisations de défense des droits humains avaient engagé des procédures contre les présumés coupables de ces viols.

« Les enquêtes piétinent »

Ainsi, le 12 novembre 2014, ces organisations avaient déposé auprès du Tribunal de grande instance de la Commune III de Bamako une plainte  avec constitution de partie civile pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre au nom de 80 femmes et filles victimes de violences sexuelles, notamment de viols. Cet acte a ainsi forcé la justice malienne à ouvrir une première procédure judiciaire concernant ces crimes sexuels.

Ensuite, le 6 mars 2015, à la suite d’enquêtes menées à Tombouctou, les organisations de défenses des droits humains, ont porté une nouvelle plainte  avec constitution de partie civile au nom de 33 victimes de crimes internationaux, dont des crimes sexuels, commis lors de l’occupation de Tombouctou et sa région par les groupes armés entre 2012 et 2013. Cette plainte visait nommément 15 auteurs présumés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, parmi lesquels Ahmad Al Faqi et Al Hassan, tous deux ayant été arrêtés et transférés à la Haye pour y être jugés par la Cour pénale internationale.

Cependant, Me Moctar Mariko de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) explique que ces deux dossiers sont toujours au stade de l’instruction devant le tribunal de grande instance de la commune III de Bamako. Malgré l’audition d’une partie de ces victimes constituées parties civiles par les juges d’instruction, les enquêtes piétinent depuis plusieurs années.

« Aucune des procédures engagées en matière de violences sexuelles au Mali n’a encore donné lieu à un procès, peut-on lire ainsi dans le rapport d’enquête de la FIDH publié en novembre 2018. Aucune des procédures engagées en matière de violences sexuelles au Mali n’a encore donné lieu à un procès. Si elle s’explique en partie par la difficulté des juges à enquêter en raison des conditions sécuritaires mais également budgétaires, cette situation de blocage relève avant tout d’un manque de volonté politique des autorités nationales, qui ont mis l’accent, ces dernières années, sur des mesures de libération et « d’apaisement », plutôt que sur la lutte contre l’impunité. »

Déjà en 2014, certains des présumés coupables membres des ex-mouvements rebelles, arrêtés, n’avaient pas comparu devant les juges pour avoir été libérés par les autorités politiques au nom de l’accord de Ouagadougou en prélude aux élections présidentielles de 2013 et aux négociations d’Alger. Ils étaient aussi tous accusés de trahison, de détention illégale d’armes de guerre, d’association de malfaiteurs, d’atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État, de rébellion et d’actes de terrorisme. Pour certains défenseur des droits humains, « l’État malien dans sa quête de réconciliation oublie la distribution de la justice. »

Les violences basées sur le genre étant très sensible au Mali, les victimes brisent difficilement l’omerta par peur de la stigmatisation. Ainsi, les défenseurs ont souvent de la peine à mettre à jour les statistiques.

 


Les VBG en chiffres

Selon ONU Femmes, entre 2012 et 2015, il a été enregistré au Mali environ 7258 cas de violences basées sur le genre. En 2012, 2 394 cas ont été recensés dont 211 cas de viols, 248 cas de mariages forcés et divers autres formes de VBG (enlèvements/séquestration) ont été documentés dans les seules régions du nord du Mali. Et ces actes ont été perpétrés essentiellement par les groupes rebelles.

En 2013, 3 317 cas de violences ont été répertoriés dont 308 cas de viols, 353 cas de violences physiques, 1 114 cas de violences psychologiques et 841 cas de dénis de ressources ; 83 % de ces cas ont concernés des femmes et 24 % des mineurs de moins de 18 ans. 70 % des cas de VBG ont reçu une prise en charge soit psychosociale, soit médicale.

Quant à l’association « Femmes battues », elle a enregistré, pour seulement l’année 2018, plus de 50 femmes battues. De la dernière Enquête démographique et de santé, des années 2012- 2013, il ressort que 38% des femmes ont subi des violences physiques. Plus d’une femme sur dix (13%) de 15-49 ans déclare avoir été victime d’actes de violences sexuelles à un moment de sa vie.


 

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