Il est 5 heures du matin. Bamako s’éveille sous une lumière pâle. Mon vol est prévu à 9 heures, mais j’ai appris qu’en matière de voyage, il vaut mieux anticiper. Une douche rapide, un dernier coup d’œil à mon matériel de reportage, mes tenues, mes documents : tout est prêt.
Le taxi que j’ai appelé – sans doute le seul disponible à cette heure dans mon quartier – arrive rapidement. Je ne voyage pas seul. En tant que chef de mission intérimaire, je dois m’assurer que toute l’équipe est en ordre de marche. Mes compagnons sont tous des figures du journalisme : Tonton Kader, ponctuel et dynamique ; Tonton Ahmadou Sankaré, méthodique et rigoureux ; Tonton Kassogué, spécialiste des AHGR/TP-HIMO, simple et bienveillant et Aliou Diallo, jeune journaliste brillant, parfois réservé, parfois bavard, toujours drôle.
À l’aéroport, les retrouvailles sont chaleureuses. Dans le hall, les scènes sont typiques des vols locaux : un policier qui tend un téléphone à transmettre à un inconnu. Un agent qui demande de porter un colis « pour un cousin à Tombouctou ». Un passager en sueur suppliant de transporter quelques vêtements pour compléter ses kilos manquants. Un préfet, en attente d’embarquer lui aussi, vante ses projets administratifs.
Malgré la fatigue, l’ambiance est détendue. Une hôtesse appelle doucement les passagers vers l’embarquement. Je savoure cet instant, un œil sur les fils d’actualité.
Tonton Kader partage un café avec le préfet. À son retour, il me dit : « c’est comme ça qu’on construit une relation. » Dans l’avion, l’équipe se plonge dans ses pensées. Aliou, malgré son expérience, avoue avoir peur des vols. Les hôtesses de Sky Mali nous accueillent avec grâce.
Arrivée à Tombouctou
À 10 heures, le Boeing touche la terre poussiéreuse de Tombouctou. Une chaleur sèche nous saisit dès la sortie de l’appareil. C’est la première fois que je viens dans cette ville mythique, surnommée la « Perle du désert », inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
À l’hôtel, l’accueil est sincère et touchant. Même le planton semble heureux de nous recevoir. J’appelle mes proches, contacte notre correspondant local, et retrouve une ancienne camarade. Ici, la fraternité est une réalité vécue.
Le soir, un hôte nous convie à un dîner. Nous découvrons un mets exceptionnel : le ham koukouro, viande de mouton lentement grillée. Puis viennent la soupe de pattes, les intestins farcis, le pain croustillant et le thé à la menthe. Tonton Sankaré, amusé, me glisse : « Bamako, c’est le paraître. Tombouctou, c’est le ventre d’abord. »
Je suis tellement conquis que j’oublie mon sac chez l’hôte ! De retour, les tontons rient : ici, on appelle cela « Ponguè » – manger jusqu’à oublier quelque chose, un honneur culinaire à remercier par un mouton offert à la cuisinière.
Retrouvailles inattendues
Le lendemain soir, dans la cour de l’hôtel, je tombe sur Rhama, une ancienne camarade d’école. « Je m’attendais à tout le monde ici sauf à toi, Cheick ! », dit-elle en souriant. Nous évoquons le passé, ses difficultés à s’insérer professionnellement, sa vie de famille aujourd’hui épanouie. Elle me propose un choix : « Plat traditionnel ou visite sur les dunes ? » « Les dunes ! », lui réponds-je sans hésiter.
Après deux jours intenses, l’escapade est bienvenue. Le beau-frère de Rhama vient me chercher à moto. Nous traversons les dunes dorées. Elle nous attend, dîner poser sur un plateau : poisson braisé, thé, jus. Sous les étoiles, autour d’un feu, nous partageons un moment inoubliable. Rhama me guide pour quelques clichés. Le silence du Sahara, la chaleur
De retour à l’hôtel, Aliou et moi décidons de dormir sur le toit. Allongés sous un ciel saturé d’étoiles, nous échangeons quelques mots avant de sombrer. À l’aube, seul sur le toit, j’observe les colibris picorer les murs ocres. Tombouctou s’éveille lentement.
Notre correspondant local, Dida, jeune et passionné, me fait découvrir les joyaux de sa ville. Nous visitons les mosquées Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia, passons par la porte sacrée, admirons le monument Al Farouk, la Flamme de la paix, et la place Louha, où un monument rappelle la destruction des mausolées. Ici, même les enfants sont des guides passionnés. La mémoire est vivante à chaque coin de rue.
Départ… et promesse d’un retour
Le départ approche. Je contemple une dernière fois la ville depuis la vitre du véhicule. Il reste tant à découvrir. Je pense à « Tombouctou Safari », une initiative touristique que j’espère voir renaître. À l’aéroport, nous attendons notre vol. À côté de moi, Tonton Kader évoque ses souvenirs aux côtés du président Amadou Toumani Touré, qu’il admire profondément. Plus de soixante pays visités avec lui. Ces récits méritent un chapitre à part.
Tombouctou, la mystérieuse… Alors que l’avion s’élève dans le ciel sahélien, une prière silencieuse monte en moi : revenir un jour, et te retrouver.
À nos carnets.