Au-delà de l’or à Gao, ces mariages à double tranchant avec des migrants en transit
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Au-delà de l’or à Gao, ces mariages à double tranchant avec des migrants en transit

A Gao, les mariages entre émigrés subsahariens en transit et jeunes femmes issues des communautés « locales » provoquent souvent des ruptures douloureuses. Elles vivent alors une double peine : sans nouvelles de leurs époux, devoir s’occuper seules des enfants. Ce phénomène constitue une nouvelle forme de violences basées sur le genre.

L’explosion des sites aurifères dans certaines régions du Mali a entrainé l’arrivée massive de populations d’autres nationalités, qui ont cédé aux sirènes du métal jaune et aux intérêts socioéconomiques divers. Ces jeunes, qui voient en ces zones aurifères un eldorado mais dont le terminus migratoire est l’Europe, marquent une pause à Gao pour trouver un emploi temporaire dans la ville.

Dans un contexte d’intensification de l’exploitation aurifère, la plupart se dirigent vers le site d’orpaillage de Intahaka, à 45 km de la ville de Gao. Les gains d’argent rapide aidant, de nombreux jeunes subsahariens issus de ce flux migratoire se marient avec des jeunes femmes de la ville, qui les suivent sur le site ou à proximité.

Dans cette région, la pesanteur socioculturelle combinée à la morale islamique pousse les jeunes filles à refuser les unions libres ou encore à concubiner au profit du mariage religieux – valorisé et recommandé par la société qui plus est. Le mariage, ici comme ailleurs à travers le pays, unit traditionnellement des jeunes hommes et femmes qui ont grandi ensemble ou ont été mis en union par leurs familles respectives.

Un lourd fardeau

Le mariage mixte perdure lorsque le migrant a complément intégré la société par l’insertion économique et professionnelle. Certains subsahariens accumulent des richesses qui les dissuadent de continuer leur périple européen et restent sur place avec leurs épouses. Mais cela ne concerne pas tous les couples mixtes.

Certains jeunes subsahariens n’hésitent pas à aborder les jeunes femmes qu’ils croisent soit dans les mines ou dans la ville, pour au départ un concubinage mais l’échec les poussent au mariage, bien que Gao ne soit pas leur terminus. C’est ainsi que de nombreux couples se forment sans que les deux tiers n’aient une longévité du fait de l’ambition de certains de ces jeunes à gagner la méditerranée une fois les conditions réunies.

Ces situations entrainent des ruptures lourdes de conséquences pour certaines jeunes femmes – qui se sentent abandonnées – surtout lorsqu’elles doivent s’occuper d’un ou des enfants issus de ces unions mixtes. « Depuis que le mari de Oura est parti en Europe, elle est entrée en dépression sévère suivie des pertes d’appétit. Elle n’a plus de nouvelles de son mari nigérian et personne ne connait ses parents non plus. Nous l’aidons, comme nous pouvons, à s’occuper de ses deux enfants », confie Mariam (son prénom a été modifié), la mère de Oura. De sérieux bouleversements socioéconomiques en découlent, notamment pour les familles qui doivent assister ces jeunes femmes émotionnellement, psychologiquement et surtout financièrement.

Manque de soutien

A la différence de Oura, aidée par sa famille, de nombreuses autres jeunes femmes ayant connu le même sort souffrent péniblement de l’absence de leurs maris et se retrouvent à s’occuper seules de leurs enfants. Elles n’ont pas de soutien psychosocial ni financier à même de leur permettre de nourrir dignement leurs enfants, habitués à la présence de leur père. « J’ai rencontré mon mari à la mine de Intahaka. C’est là qu’il m’a épousée après lui avoir refusé un concubinage. Le mariage a duré trois ans et on a eu deux enfants qui désormais vivent sans leur père », se désole Zahara (son prénom a été modifié). Cette situation est inédite dans cette région, car il n’y a pas de solutions établies, tant le mariage reposait naguère sur la présence des membres des familles de deux conjoints.

De façon générale, au Mali, le divorce est perçu comme un déficit d’éducation et de patience des femmes. Ainsi, celles abandonnées par leurs maris subissent le poids d’une « tradition » hautement patriarcale. Certaines jeunes femmes à Gao n’ont plus les nouvelles de leurs époux et ignorent si elles sont divorcées ou pas, et doivent éduquer seules les enfants dans un contexte économique précaire.

Dans l’attente désespérée de leurs époux, ces femmes subissent une nouvelle forme de violence. Seules les ONG dans le cadre de leurs politiques de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) soutiennent que « l’abandon volontaire d’un ménage à la fois par l’époux ou l’épouse est assimilable à un VBG qui peut conduire son auteur à un désengagement conjugal », tranche Kalifa Cissé, expert VBG à Plan international.

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