A Sanankoroba, Covid-19 rime avec décrochage et baisse de niveau des élèves
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A Sanankoroba, Covid-19 rime avec décrochage et baisse de niveau des élèves

L’éducation est durement impactée par la crise sanitaire liée au coronavirus (Covid-19) à Sanankoroba, une bourgade située à une trentaine de kilomètres de Bamako, la capitale malienne. Décrochage, rupture de l’apprentissage et baisse de niveau des apprenants en sont les conséquences sur le système éducatif. Ce, malgré le programme de cours à distance diffusé sur les ondes de l’ORTM. Les acteurs en parlent.

Cet article a été initialement publié sur le site Mali24.info.

 Solemine Sidibé, proviseur du lycée Baya Diakité de Sanankoroba (LBAYAD-Sana)

« Avec la fermeture temporaire des classes, nous avons de plus en plus constaté la détérioration du niveau d’apprentissage des élèves. Cela s’est accentué par la précarisation des enseignants du secteur privé, qui n’ont pas bénéficié d’accompagnement financier de la part des plus hautes autorités. »

Adama Coulibaly, directeur du second cycle fondamental « A » de Kola Magna

« Quand est arrivée la Covid-19, des mesures ont été prises, comme la fermeture des classes. Après deux mois, les élèves en classes d’examen ont repris les cours. Mais, à cause de la fermeture, nous avions perdu beaucoup d’effectifs. Certains élèves sont partis dans les placers d’or. Même ceux qui ont repris le chemin de l’école n’ont pas pu se fixer. Le programme scolaire n’a pas été exécuté à hauteur de souhait. Les élèves n’ont pu comprendre correctement les cours dispensés. Le pourcentage des cas d’absence à l’examen a été élevé. Pour l’année scolaire 2019-2020, au second cycle I et II de l’école Kola Magna de Sanankoroba, sur un effectif total de 444 élèves, 68 ont décroché, soit 15,31% d’abandon. En un mot, c’est la dégradation de la qualité de l’enseignement. »

Ces avis des premiers responsables de l’administration scolaires sont partagés par les apprenants, qui évoquent la peur surtout d’être contaminés pour justifier leur décrochage.

Hawa Cissé, élève au LBAYAD-Sana

« Les difficultés liées à la fermeture des classes sont entre autres l’oubli des cours déjà dispensés, le manque de courage. Certains élèves ont même abandonné l’école. Les cours à distance, qui avaient été organisés par les autorités, sont restés sans impact. Personnellement, je ne les regardais pas. »

Metté Sory, second cycle « A » de l’école Kola Magna

« Au début du coronavirus, les écoles ont été fermées. Cela a joué sur les élèves à plusieurs niveaux, car les cours qu’ils devraient avoir n’ont pas eu lieu. De plus, avec la réouverture des classes, bon nombre d’élèves n’ont plus regagné les classes. Ils sont restés à la maison par peur d’être contaminés. »

Djoko Camara, professeur d’anglais au second cycle de l’école « C » de Sanankoroba

« L’irruption de la maladie a entraîné la dégradation considérable de la qualité de l’enseignement dans notre zone. Les écoles maliennes ont été fermées pendant plusieurs mois. L’arrêt des activités pédagogiques dans les établissements scolaires a motivé certains enseignants du secteur privé ainsi que certains élèves à s’engager dans d’autres activités. Les élèves ont été les principales victimes, et n’ont malheureusement pas suivi les 50% du programme scolaire annuel. Nous ne pouvons donc pas parler de qualité de l’enseignement avec la Covid-19. »

Sanogo Arouna, professeur de français à l’école « C » de Sanankoroba

« L’arrivée de la maladie a impacté de façon négative la qualité de l’enseignement. Avec la fermeture des classes, les élèves ne pouvaient plus suivre régulièrement les cours. Les cours à distance ou en ligne ne pouvaient pas être suivis non seulement à cause du programme non aligné, mais aussi de l’impact psychologique et social de la Covid-19. La pandémie a réduit la qualité de l’apprentissage et le nombre des élèves à l’école et entraîné une baisse de niveau des élèves de façon générale. »

Lassina Togola, parent d’élève à Sanankoroba

« Avec l’avènement de la Covid-19, la fermeture des classes au profit des cours à distance a été une façon de se moquer de la majorité des parents d’élèves. Bon nombre de parents ne peuvent se procurer des outils technologiques pour leurs enfants. La télévision est l’affaire des nantis, c’est- à-dire un luxe pour celui qui cherche le pain quotidien. Par conséquent, il ne s’intéresse pas à un quelconque cours à distance dispensé via la télévision au profit de ses enfants élèves. Le coronavirus a davantage enterré le niveau scolaire de nos enfants. »

Ramatou Traoré, parent d’élève à Sanankoroba

« Nos enfants ont été davantage exclus du système éducatif. Quel enfant de pauvre peut, dans ces conditions, étudier au Mali ? Assurément, il n’y en a pas. Les cours à distance allaient être mieux sur les ondes de la radio pour les enfants des pauvres. D’ailleurs, nous n’avons même pas les moyens d’acheter des outils technologiques au profit de nos enfants pour les cours à distance. La population malienne est majoritairement pauvre. L’école profite aux enfants des nantis ».

Salia Dembélé, professeur d’économie au LBAYAD-Sana

« Évoluant depuis près de six ans dans l’enseignement privé, la Covid-19 m’a montré que je ne travaille pas, que je n’existe pas aux yeux de l’État malien sur tous les plans. Sur le plan social, les enseignants n’ont bénéficié d’aucune mesure d’accompagnement. Sur le plan économique, nous avons fait deux mois sans salaire. L’État malien a montré son mépris à l’égard de l’école malienne. Dans ces situations, il est utopique de parler de qualité de l’enseignement ».

Assanatou Diallo, professeure de français au LBAYAD-Sana

« A mon avis, la question de la maladie à coronavirus est politique. Cette situation a entraîné la fermeture des classes et le mépris de l’autorité à l’égard des enseignants. Les mesures d’accompagnement sont restées de vains mots. Le moral des enseignants a chuté. Par conséquent, la qualité de l’enseignement s’est davantage détériorée ».

Hamidou Kamissoko, agent de suivi au CAP de Baguineda

« Le programme scolaire n’a pu se réaliser à 80% l’année dernière. Les cours à distance, initiés par les autorités sur les ondes de l’ORTM, n’ont pas été suivis du tout. Beaucoup n’ont pas les moyens de s’offrir une télé. Même si vous en avez, il se pose le problème de l’électricité. Beaucoup d’élèves ont profité de la fermeture des écoles pour s’enfuir dans les sites miniers, notamment à Tourela à 18 kilomètres seulement de Sanankoroba ou dans le Mandé ».


Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada »

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