L’excision reste une pratique profondément ancrée dans la société malienne, avec un taux de prévalence de 89%. Cette pratique traditionnelle inquiète les mères et futures mères. Benbere publie le témoignage d’une mère.
« Je suis mère d’un petit être qui vient de naitre. Je suis sur la table d’accouchement et j’entends la voix de la sage-femme sous les cris de mon bébé. Une voix joyeuse m’annonçant le sexe de mon enfant. J’ai eu une petite fille, j’en étais fière et j’étais contente. Mais j’étais également triste, car elle sera confrontée aux réalités sociales, culturelles et religieuses de sa communauté. Je veille sur elle en évitant certains sujets avec ma belle-mère. Je la voyais venir.
Un mois après la naissance de ma fille, sa grand-mère m’a approchée avec un air sérieux et ferme en disant : « Ma fille, notre culture nous exige certaines pratiques qui affirment la dignité d’une fille, sa féminité et qui la guident vers la chasteté. Tu en seras fière le jour de son mariage. On ne peut pas abandonner notre culture ni contredire la religion ». J’ai répondu par un « non » sec. Elle rebondit : « Il faut qu’on envisage d’exciser la petite le plus tôt possible. Ma petite-fille ne sera pas une ‘’blakoromusso’’ (une fille non excisée) ».
Mon mariage ou ma fille
Je fais face à un dilemme : tenir tête à ma belle-mère et mettre en péril mon mariage, ou protéger ma fille afin qu’elle ne soit pas une victime de l’excision. Que faire ? Tout se passe comme si, au nom de cette même culture, bien que je l’aie mise au monde, cette enfant n’était pas mienne. Toute décision la concernant ne m’engageait en rien, tout comme mon époux.
La décision a été prise. Ma petite fille sera excisée avec sa cousine de 6 mois un jeudi matin. J’ai tout fait pour éviter cette situation. Hélas ! Le poids de la culture et le pouvoir du conservatisme ont eu raison de mon opposition. Ils ont décidé de faire de ma fille et sa cousine des victimes de plus de l’excision.
Le jeudi, dès l’aube, on est venu chercher l’enfant, sa grand-mère et une femme âgée du quartier. Je regardais ma petite fille partir, partagée entre angoisse et mauvais pressentiment.
Si seulement sa grand-mère pouvait comprendre ce que j’avais lu sur ce sujet : « Les mutilations génitales féminines peuvent avoir de graves conséquences sur la santé à court et à long terme comme les douleurs chroniques pour uriner, les fistules obstétricales, l’incontinence urinaire , les menstruations, les rapports sexuels douloureux, les complications au cours des grossesses, ou encore les hémorragies au moment de l’acte, qui peuvent entraîner la mort de la jeune fille…Les femmes peuvent subir les conséquences de ces pratiques sur toute leur vie» .
Le drame
Une heure après, je les ai vues rentrer avec ma fille. Ma belle-mère, le regard fier, m’a dit haut et fort : « Aucune femme ne peut enfreindre nos principes ici ». D’un geste ironique, elle m’a remise ma fille d’un mois, blessée, amputée physiquement à vie.
Trente minutes après, la cousine de ma fille de six mois n’arrêtait toujours pas de saigner. Sa mère avait paniqué et commencé à poser des questions. Ma belle-mère était toujours là avec ses poudres noires qu’elle n’arrêtait pas d’appliquer sur le clitoris ensanglanté et blessé de la petite. Quelques minutes plus tard, l’enfant a perdu connaissance. Elle s’est presque vidée de son sang. L’exciseuse était injoignable. On a été obligés d’amener l’enfant à l’hôpital. Mais, c’était trop tard. La petite cousine de 6 mois de ma fille a perdu la vie juste devant la porte de l’hôpital.
Ma fille a eu la vie sauve, mais pourra-t-elle être mère ? Sera-t-elle épanouie dans sa vie de couple ? Ces questions resteront sans réponses pour l’instant. Et moi, je reste dans l’angoisse. »
Avez-vous demandé au femme si elle aussi elle est ….. ou pas