Les enfants nés de personnes ayant le statut de « jon » (« esclave » ou « captif ») sont d’office eux aussi esclaves. Une réalité entretenue par les nobles («horon ») pour satisfaire leurs conditions socio-économiques, estiment les blogueurs Mamadou Sène Cissé et Abdoulaye Danioko.
Certains membres de la classe historiquement dominante, appelés « nobles » (« horon »), pratiquent toujours l’esclavage par ascendance dans leurs villages. Une personne née d’un « jon » est aussi un « jon » au service des maîtres de ses parents. Pour les nobles ou hommes libres, le « jon » est un bien dont ils ont hérité de leurs parents. Il fait partie intégrante des biens. Un legs qui se transmet de génération en génération. Ainsi, Il est né esclave et le demeure toute sa vie.
Certains descendants d’esclaves n’ont aucun problème à assumer leur statut dans la société, car ils ont intégré les schémas mentaux dominants de la pratique de l’esclave par ascendance. Surtout ceux d’entre eux qui réussissent à obtenir le statut de responsable des autres d’esclaves. Par exemple, celui d’un esclave chef des autres esclaves.
Une pratique loin de la violence
Si les habitants de Logo Sabouciré sont connus pour avoir été les premiers à résister à la pénétration coloniale sur le territoire de l’actuel Mali, sur la question de l’esclavage par ascendance les mentalités n’ont pas évolué. « Cette couche sociale, qui est la nôtre, est un legs, donc nous avons l’obligation de sauvegarder ses valeurs. Il constitue un lien sacré entre nous et nos aïeux », explique Tiebakoro Sissoko, chef des esclaves de Logo Sabouciré. Il ajoute : « Le statut d’esclave par ascendance va avec certains avantages. Nous avons un rôle capital au sein de notre communauté. C’est nous qui intronisons les chefs des villages. Nous détenons les secrets de la royauté que nos maîtres eux-mêmes ignorent. »
Pour ce vieillard, contrairement à ce à quoi on assiste ces dernières années, le statut d’esclave par ascendance n’est pas synonyme de maltraitance ou d’humiliation. « Aucune violence physique ou morale ne nous est infligée ». Un avis qui reste personnel.
« Domination de l’homme par l’homme »
Noble et fils d’un dignitaire local, Harouna Tounkara est le représentant de l’association abolitionniste Ganbanaa, qui lutte contre l’esclavage par ascendance dans la commune de Koussane dans le cercle de Kayes. «C’est une injustice à combattre quand, dans une même communauté, les gens ne sont pas traités sur un pied d’égalité sur le plan social, économique et religieux. L’esclavage par ascendance est incompatible avec la dignité humaine. Il faut donc mettre fin à ce système domination de l’homme par l’homme. Il y va du maintien de la paix et la cohésion sociale », laisse-t-il entendre. Ces propos venant d’une personne de la classe des « nobles » donnent espoir pour la réussite du combat contre la pratique de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes.
L’esclavage par ascendance est malheureusement une triste réalité héritée de nos aïeux. Bien qu’aujourd’hui les réalités sociales économiques ne soient pas les mêmes qu’avant, la pratique continue. Il faut aujourd’hui que les « nobles » comprennent que c’est une pratique révolue. Ils ne sont plus en mesure d’entretenir un esclave comme le faisaient leurs aïeux. Il faut donc un changement des mentalités.
Il faut intensifier les efforts en vue de l’élimination totale de toutes les formes de discrimination, d’exploitation et de stigmatisation fondées sur l’esclavage par ascendance, a plaidé pour sa part Harouna Tounkara, qui s’érige aujourd’hui en exemple pour les autres nobles qui ont des « jon ».
L’esclavage c’est une crime contre l’humanité