Les fonctionnaires de la mairie de Bamako chargés d’enterrer les « corps non identifiés » se plaignent de leurs conditions de travail. Ils travaillent de jour comme de nuit sans être payés pour les heures supplémentaires. La vie de certains d’entre eux se résume seulement au cimetière.
Nous sommes au cimetière de Niaréla, quartier populaire de Bamako. Une natte en paille et un coussin se trouvent juste à côté d’une tombe. C’est le lieu de repos de Moussa, un croque-mort. Mais ce dernier ne dort que d’un seul œil. Un coup de téléphone annonçant la découverte d’un cadavre quelque part dans la capitale malienne peut le réveiller à tout moment.
« Je suis toujours avec mon matériel en attente d’un appel. C’est pourquoi je suis toujours vêtu de mon uniforme de services funèbres », nous confie-t-il. Puis sur un ton révoltant, il ajoute, indigné : « Mon métier doit être reconnu et récompensé. Ce n’est pas tout le monde qui accepte de le faire. Si aujourd’hui nous abandonnons ce boulot, les autorités auront du mal à recruter des citoyens qui accepteront cette fonction. »
Le métier de Moussa consiste à récupérer des cadavres non identifiés ou abandonnés sur des lieux isolés. Dans les deux cas, avec ses collègues, ils passent par l’hôpital Gabriel Touré ou les autorités judiciaires pour établir des pièces justificatives avant d’inhumer les corps.
Corps en putréfaction, odeur nauséabonde
Dans la capitale malienne, ils sont trois agents de la voirie et un superviseur à exercer ce métier pour le compte de la mairie. Le travail est intense et n’est pas confortable. Par semaine, les trois croque-morts de Bamako peuvent, au minimum, localiser et enterrer quatre corps qui sont souvent dans état de putréfaction insoutenable.
Souvent, Moussa et ses camarades sont appelés à intervenir hors de la capitale. Mais les moyens de transport ne sont pas toujours au rendez-vous. Il arrive que le croque-mort et ses collègues enterrent certains sur le lieu de découverte. « Certains cadavres sont pourris. L’odeur nous dérange, mais nous n’avons pas de choix, nous devons les enterrer », souligne-t-il, résigné.
Contrairement à ses collègues, Moussa est dans ce travail depuis seulement neuf mois. Et il doit déjà faire avec la discrimination au sein de la société malienne. « Certains me traitent de tous les maux, d’autres ne me considèrent même pas, mais c’est mon métier, je le fais avec amour », affirme-t-il.
Heures supplémentaires non rémunérées
Ce qui frustre le plus ces employés pas comme les autres de la Mairie de Bamako, c’est qu’ils n’ont pas d’heures de travail fixes. « Nous travaillons à tout moment, pendant que d’autres dorment. Parfois on nous signale des corps abandonnés hors de la capitale à des heures tardives. Il nous arrive de passer des nuits blanches », se lamente Moussa.
Les croque-morts de Bamako continuent d’accomplir « leur devoir », malgré les conditions difficiles. Pour le moment les autorités font la sourde oreille à leurs revendications. Mais ils devraient les écouter avant que les morts ne se réveillent.