Mali : protéger les données personnelles face aux risques numériques
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Mali : protéger les données personnelles face aux risques numériques

Entre risques de piratage des systèmes informatiques, collecte des données personnelles des internautes par les géants du net à des fins publicitaires, espionnage de vie et pratiques malveillantes de tous genres sur les réseaux sociaux, la vie privée des individus est exposée à toutes les violations.

A l’ère du numérique, la question de la protection de la vie privée des individus représente un enjeu sécuritaire à part entière. Elle constitue un sujet de préoccupation majeure pour les États à travers le monde. La société de l’information a fait des données la matière première de toute activité. Pour travailler dans une organisation publique ou privée ou solliciter des services, il faut fournir des informations sur sa personne. Acquérir la qualité de citoyen et bénéficier de ses droits nécessite de se faire identifier. Au Mali, les informations collectées sur les individus par les institutions publiques ou privées sont désormais enregistrées et conservées sur des supports numériques.

Ces informations, d’ordre strictement personnel et confidentiel, sont malheureusement exposées à des risques d’atteinte. De sorte que nos renseignements personnels, nos secrets, des séquences sensibles de notre vie peuvent se retrouver aux mains et sous les yeux de tout le monde.

Risques sur les données à caractère personnel

Le Mali a saisi l’enjeu de la protection des données à caractère personnel. Depuis 2013, une loi portant protection des données à caractère personnel a été adoptée. Aux termes de l’article 3 de ladite loi, ces données sont « des informations existant sous diverses formes et permettant d’identifier directement ou indirectement une personne, par référence à un numéro d’immatriculation ou à un ou plusieurs éléments propres à son identité physique, physiologique, biométrique, génétique, psychique, culturelle, sociale ou économique. […] ».

Ces informations, qui relèvent de la propriété exclusive de la personne concernée, ne doivent être collectées, fournies à des tierces personnes ou exploitées par celles-ci qu’avec un consentement expressément signifié. Mais, au temps du numérique, les risques de perdre la main sur le droit de propriété et d’exploitation de ses données personnelles sont élevés.

Selon Ibrahim Maïga, informaticien, si au Mali le numérique dans tous les services publics et privés permet de gagner en efficacité, il n’en demeure pas moins que les équipements et infrastructures numériques utilisés pour organiser le travail et enregistrer un ensemble d’informations sont exposés à des risques de piratage informatique. « Malgré le niveau d’expertise informatique nettement plus élevé aujourd’hui dans les structures, privées et publiques au Mali, notre pays, comme tous les autres États d’ailleurs, n’est pas à l’abri à 100% face aux risques de cyberattaques », affirme-t-il. Ces données personnelles constituent pour un État une richesse à protéger. Et les pratiques malveillantes, en vue de s’en procurer illicitement pour nuire, sont devenues fréquentes. Elles sont donc continuellement en insécurité dans un monde numérisé où le Mali cherche à se frayer un chemin.

Aussi, de nos jours, avec  les réseaux sociaux, les données personnelles sont devenues plus facilement accessibles. « A chaque mouvement que nous effectuons sur le net, nous laissons des traces. Les informations que nous partageons sur les réseaux sociaux (informations d’identité, photos, vidéos, commentaires, nos échanges privés) sont tracées à l’aide d’algorithmes. Elles sont ensuite fichées et stockées dans une base de données pour être vendues à des firmes privées qui vous proposent leurs services marchands en ligne », explique M. Maïga.

Ce qui fait que réellement, les internautes ne disposent pas à proprement parler de maîtrise sur la propriété des données qu’ils fournissent sur les plateformes internet. En outre, ajoute l’informaticien, il faut compter aussi d’autres menaces, telles que les piratages de comptes : « Des individus malveillants peuvent pirater et prendre possession de votre compte, accéder à vos données personnelles (images, vidéos, discussions privées), les manipuler ou les divulguer au grand jour. »

Défis du numérique

« Avec la création de l’Autorité de protection des données à caractère personnel (APDP), à travers l’adoption de la loi portant protection des données à caractère personnel, les données des Maliens ne sont plus transmises aujourd’hui à l’extérieur sans son autorisation préalable. Cela veut dire que dans les banques, dans nos entreprises, pour transférer les données personnelles à l’extérieur, il faut une autorisation préalable de l’APDP », expliquait ainsi au cours d’un panel, M. Souhaibou Coulibaly, actuellement conseiller technique au ministère de l’économie numérique et ancien commissaire à l’APDP. Il a ajouté que tous les services qui sont dans le traitement des données à caractère personnel cherchent aujourd’hui au préalable conseil auprès de l’APDP pour traiter ces données et dans les normes. Aussi, faut-il noter l’existence d’une loi portant répression de la cybercriminalité, depuis 2019.

Quant à la question de la divulgation de la vie privée des Maliens sur les réseaux sociaux, le chargé des affaires juridiques au sein de l’APDP, M. Mahamadou Aly Haïdara, a rassuré que la structure agit dans ce sens, en rappelant au cours du même panel l’issue de l’affaire Tièbilé Dramé, homme politique malien, contre les sociétés Energie du Mali (EDM-SA) et Somagep-SA (Société malienne de gestion de l’eau potable). Des factures d’eau et d’électricité de cet homme politique avaient fuité dans la presse en 2016. M. Dramé avait saisi l’APDP pour fait de violation de sa vie privée.

A coup sûr, la question de la protection de la vie privée est un enjeu crucial de nos jours. Aujourd’hui plus qu’hier, le droit à la protection de la vie privée, consacré dans la Constitution du 25 février 1992, doit être garanti à tous les citoyens. C’est l’un des défis du numérique au Mali.

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