Migrations : témoignage d'une rescapée du « réseau des esclaves »
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Migrations : témoignage d’une rescapée du « réseau des esclaves »

C’est une évidence : les migrations irrégulières des femmes rime avec torture, séquestration, viol et famine. Une migrante, A. S., a accepté de revenir sur sa trajectoire avec le blogueur Seydou Sylla.

Pourquoi avez-vous décider de partir par la voie de la migration irrégulière ?

Je suis A.S., habitante de Missira, en commune 2 du district de Bamako. C’est en raison des difficultés financières, de la difficulté de vivre loin de mon mari avec un enfant à élever seule, que j’ai décidé de partir en Europe, en France plus précisément, par la voie de la migration irrégulière. Le quotidien était devenu insoutenable pour moi, il fallait que je parte.

Comment êtes-vous partie ?

Je suis passé par la Libye, à travers un réseau qu’on appelait le « réseau des esclaves ». C’est un véritable réseau, qui a sa source au Mali.

Comment s’est passé le parcours ?

Quand nous sommes arrivés en Libye, nous avons attendu les embarcations pneumatiques. Le moment venu, nous avons embarqué. C’est comme ça que nous avons pu rallier les côtes, ensuite je suis arrivée en France.

Parlez-nous des difficultés que vous avez rencontrées ?

C’est vraiment difficile de tout raconter, c’est très dur de passer par la migration irrégulière. J’ai fait de la prison avec d’autres personnes en Libye. Un jour, nous avons décidé de casser la porte de la prison quand les gardes étaient en nombres insuffisants. Là-bas, j’ai assisté à des scènes incroyables. Les Libyens attachaient des migrants et aspergeaient tout leur corps de liquides de plastiques brulés. Ils nous ont dépouillé de tous nos biens, téléphones, argents et bijoux.

Avez-vous pu trouver du travail, une fois arrivée à destination ?

J’ai emprunté ce chemin pour gagner de l’argent, pouvoir aider ma famille financièrement. Mais une fois sur place, j’ai vite compris que, pour trouver du travail, il fallait chercher d’abord les papiers. J’ai beaucoup avancé dans le processus d’obtention des papiers. Actuellement, je suis en train de suivre une formation dans un centre.

Avez-vous pu revoir votre mari ?

Oui, j’ai pu revoir mon mari mais on ne vit pas ensemble. Quand je suis arrivée, on m’a fait savoir que pour avoir vite les papiers, il faut dire aux autorités qu’on n’a personne pour nous aider, non seulement en France mais aussi dans notre pays d’origine. C’est la raison pour laquelle je ne pouvais pas voir mon mari régulièrement, sauf les week-ends. Actuellement, il est au Mali. Je suis sous la responsabilité des autorités françaises.

Aujourd’hui, conseillerez-vous à quelqu’un d’emprunter le chemin de la migration irrégulière ?

Je ne peux pas dire à quelqu’un de ne pas suivre la voie de la migration irrégulière, parce que chacun à son destin, sa chance dans la vie. Ça été dur pour moi, ça peut être moins dur pour quelqu’un d’autre. La vie est ainsi faite. Nous qui avons eu la chance d’arriver à destination, nous ne pouvons que faire des bénédictions pour ceux qui veulent suivre la même voie. Les gens ne décident pas de partir par plaisir. Ils vont parce qu’en restant au pays, ils souffrent. Donc je n’encourage pas tout comme je ne décourage personne. Chacun est libre de vouloir emprunter ce chemin ou pas.

A quoi pensez-vous actuellement ?

J’ai quitté le Mali en 2014, j’avais 32 ans à l’époque. Je suis parti en laissant derrière moi ma fille, c’est à elle que je pense.

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