Réorganisation territoriale : nécessaire retour aux conclusions des concertations de 2018
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Réorganisation territoriale : nécessaire retour aux conclusions des concertations de 2018

La commune de Markala et ses environs menacent de reprendre, ce lundi, les manifestations pacifiques contre le projet de réforme territoriale. Les populations jugent les conclusions du Comité d’experts de l’administration territoriale en porte-à-faux avec celles des concertations locales et régionales de 2018.

La décision a été prise mercredi, très tard dans la nuit, lors d’une réunion extraordinaire. Les manifestations à Markala et dans d’autres localités à travers le pays prouvent à suffisance que le Comité a notablement échoué. Les experts (en la matière des experts auraient opté pour une démarche participative, inclusive, concertée, comme ce fut le cas en 2018) ont découpé et morcelé les territoires et terroirs au mépris des critères, selon leurs intérêts et motivations personnels.

En effet, le gouvernement avait fixé quatre critères pour devenir un cercle. Il s’agit de la taille de la population, l’aspect sociologique, la viabilité économique et la sécurité, la gouvernance et le développement. C’est sur la base de ces critères que les concertations de 2018 ont eu lieu.

Décider de leur destin commun

La proximité, qui ne saurait être un handicap ni pour Markala, ni pour une autre contrée, malicieusement évoquée par l’administration territoriale, ne faisait pas partie des critères. Si entre temps la commission a ajouté ce critère, il fallait alors organiser de nouvelles concertations pour expliquer aux populations concernées les raisons de ce changement et obtenir leur approbation ou non.

Car si la décision de faire un découpage relève des prérogatives exclusives de l’État, les citoyens ont le droit et l’intelligence nécessaire de décider de leur destin commun. Ce en tenant compte de la sociologie, des réalités culturelles, des niveaux d’intégration économique.

Ainsi, quand le comité a été mis en place, les populations s’attendaient à une restitution des conclusions des concertations de 2018 afin de s’assurer qu’elles sont conformes aux besoins, préoccupations et motivations exprimés. Contre toute attente, le comité a organisé les 29 et 30 avril des ateliers pour restituer « les résultats de ses travaux », effectués dans les bureaux à Bamako.

Ségou favorable

« Comment se fait-il que depuis les concertations de la région de Mopti, il n’y ait eu aucune restitution avec différentes communautés qui se sont retrouvées autour du dossier. Et, à notre grand étonnement, on nous restitue un document qui va complètement à l’encontre de ce qu’il avait été convenu », regrettait Sidi Issa Ongoïba, un ressortissant de Mondoro, lors d’une conférence de presse.

Ce fut également le cas pour Markala. Lors des concertations de 2018, il avait été décidé d’ériger Markala et Farako en cercles. Même le cercle de Ségou, généralement opposé, y était favorable. La veille, des concertations locales avaient eu lieu à Markala. Arrondissements et communes environnants avaient, sans ambages, exprimé leur volonté de voir Markala ériger en cercle et d’en faire partie.

Aussi, au regard des critères cités plus haut, Markala mérite-t-il plus que d’être un cercle. La commune de Markala, composée de 29 villages, comptait près de 46.000 habitants en 2009. L’arrondissement de Markala couvre 37 villages. Il est limitrophe de trois arrondissements et sept communes, qui ont tous exprimé leur désir de voir Markala ériger en cercle, en 2018, lors des concertations locales et régionales. Sans compter les nombreux hameaux qui constituent aujourd’hui des entités potentielles susceptibles d’être érigées en villages.

Économiquement viable

Du point de vue de la viabilité économique, qui intègre toutes les dimensions liées au développement, Markala est plus viable que 95% des cercles du Mali, exceptés les chefs-lieux de région. Il faut rappeler que 50% de la production rizicole nationale provient de l’Office du Niger où les superficies sont très grandes.

La zone de Bèwani, ayant ses bureaux à Markala, tend à devenir l’une des plus grandes zones de l’Office du Niger grâce aux aménagements en cours et à la disponibilité abondante de terres irrigables. Les plaines de l’Office riz de Ségou à Koké et d’autres sont d’un apport inestimable à la production nationale. A cela, s’ajoutent les usines de production de sucre de Dougabougou, de N-Sukala, les nombreux services locaux, les ateliers militaires centraux, les usines de production de tomates et d’engrais en construction, le Centre de formation professionnelle (prototypes de celui de Senou) en chantier, les centaines d’ateliers artisanaux, d’entreprises, de commerces, les banques, etc.

Le potentiel agro-syvo-pastoral est énorme. Il y a aussi les carrières d’extraction de sable, de graviers, de banco rouge, de caillou. Nous pouvons citer également le tribunal, la brigade et l’escadron de gendarmerie, le Centre de sante de référence, le projet de construction d’un deuxième hôpital de référence, le quai de la COMANAV et l’écluse de Tio. La liste est loin d’être exhaustive.

Markala partage les mêmes réalités socioéconomique, culturelle et cultuelle avec les arrondissements et communes environnants. Sur le plan sécuritaire, Markala est une « zone tampon » depuis le lancement de l’opération Serval en 2013. Le poste de gendarmerie de Point A, à moins de 10 km du barrage et le poste avancé pour protéger ledit ouvrage, ont été victimes de plusieurs attaques terroristes avec des pertes matérielles énormes.

Aussi, lorsque les « terroristes » ont visé les populations des zones rizicoles de Bèwa, Komola, Témou, Siribala, elles ont trouvé réfuge à Markala qui abrite, depuis 2012, des milliers de ressortissants des régions du nord et de Mopti. Le quartier Sonrhaï est l’un des plus gros et plus populaires de la ville de Markala.

« Solutions pratiques et moins coûteuses »

Compte tenu des contraintes économiques du pays (une récession de -2% en 2020), avec des perspectives sombres pour 2021, le comité doit penser à faire la politique des moyens du Mali actuel, comme préconisé par la Gestion axée sur les résultats.  Des villes comme Markala, qui disposent déjà de toutes les infrastructures socioéconomique, politique et administrative de base, devraient être privilégiées afin non seulement d’éviter des dépenses nouvelles insupportables, mais aussi de créer des circonscriptions fiables et viables pouvant être opérationnelles dans un bref délai.

Il faut rappeler que des régions créées en 2012 ne sont pas encore totalement opérationnelles faute de moyens financiers nécessaires. Faut-il encore créer des cercles et des régions qui attendront encore dix ans pour être opérationnels ? L’efficacité et l’efficience voudraient que l’on opte toujours pour des solutions pratiques, moins coûteuses et applicables à court et moyen termes.

Aller à contre-courant de ces principes universels très chers aux partenaires techniques et financiers et aux organismes communautaires en matière de gouvernance, c’est servir des intérêts privés et personnels au mépris du bon sens et de l’intérêt général. Et les populations vont toujours, au risque de leur vie, désapprouver les décisions administratives, comme c’est le cas aujourd’hui à tous les niveaux.

Seul le retour aux conclusions des concertations de 2018, manifestation de la volonté populaire, pourrait permettre de mettre fin aux manifestations qui risquent de prendre des dimensions inquiétantes dans les jours et semaines à venir.


Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Benbere

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