Santé : le consternant sort des médecins au Mali
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Santé : le consternant sort des médecins au Mali

La Faculté de médecine et d’odontostomatologie (FMOS), l’une des meilleures en Afrique de l’Ouest, forme plus de 300 médecins chaque année. Mais, grand paradoxe, le Mali connait une insuffisance quantitative et qualitative de son personnel sanitaire. Les médecins maliens peinent à gagner leur vie. 

L’État malien ne recrute pas plus de 10% des sortants de la Faculté de médecine et d’Odontostomatologie par an, malgré un manque criard de médecins. Les 90% restants se dirigent vers le secteur privé et les Organisations non gouvernementales où ils se bousculent au portillon et n’y trouvent pas tous une place. Certains médecins, avec un niveau bac + 8, se baladent entre cliniques, cabinets, hôpitaux et autres centres de santé pour subvenir à leurs besoins quotidiens.

Pour certains médecins, il y a un manque de volonté politique : « Le secteur de la santé ne sera jamais un souci pour nos dirigeants tant qu’eux-mêmes et leurs familles se soignent à l’étranger. Comment oser parler de concours d’entrée à la fonction publique dans un pays qui est loin d’atteindre la norme en termes de nombre de médecins par habitant. À quoi sert alors le numerus clausus ? », s’indigne Dr Cissé, au chômage.  

Un médecin pour 55 000 habitants

En effet, la norme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 1 médecin pour 10.000 habitants. Or en 2018, il y avait 1270 médecins généralistes et 591 spécialistes dans tout le Mali. Le ratio était donc d’environ 1 médecin pour 55.000 habitants, selon l’annuaire statistique 2018 de l’information sanitaire au Mali, publié par la Direction régionale de la santé du Mali.  

C’est paradoxal pour un pays qui compte 1368 Centres de santé communautaires (CSCOM) fonctionnels dont 909 ne comptent aucun médecin. Assitan Diaby, étudiante en 6e année de médecine, fait part de son inquiétude : « Je ne sais pas ce qui fait le plus mal entre avoir un doctorat et finir délégué médical ou ne pas pouvoir intégrer la fonction publique. Se battre ou chercher des relations afin de bosser dans le privé ou encore avoir un salaire précaire. » 

Revenus maigres et conditions de travail déplorables

Le salaire net d’un médecin généraliste malien est de 227 000 francs CFA. Un peu plus pour les spécialistes contre 775.000 francs CFA pour leurs confrères ivoiriens. Les ONG paient beaucoup mieux. Quant aux cliniques, cela dépend. Un médecin travaillant dans une clinique bamakoise nous a affirmé toucher moins de 150.000 francs CFA par mois. Un gros problème du secteur privé est le travail informel. Beaucoup de médecins luttent pour décrocher un contrat dans les structures de santé privées pour jouir de tous leurs droits de travail. 

Le président Ibrahim Boubacar Keïta, dans son adresse à la nation du 14 juin 2020, a promis de rencontrer l’ordre des médecins pour trouver une solution à la crise sanitaire que connait le pays. Le plateau technique de nos hôpitaux est dans un état lamentable. Il suffit de s’y rendre pour s’en rendre compte. Des salles d’accueil aux blocs opératoires, le matériel se fait vieux et défectueux. Ce qui met en danger et les patients et le personnel sanitaire, surtout en cette période de Covid-19. « Je m’achète moi-même mes gants et mon masque. L’hôpital ne nous en fournit pas », confie un stagiaire. 

Désunion des syndicats

Une des raisons pour laquelle la lutte des médecins peine à aboutir est la désunion des syndicats. Le manque de synergie fait que les uns partent en grève alors que les autres continuent de travailler. Qui dit division, dit aussi manipulation. 

Des médecins accusent certains leaders des différents syndicats d’être corrompus et accusent le Conseil de l’ordre des médecins d’être instrumentalisé par les autorités. Le changement des conditions, à mon avis, ne pourrait pourtant se faire sans l’union de toutes les forces syndicales. En plus du silence des syndicats, l’étudiant Alfousseyni Dissa déplore le laisser-aller de la population : « Il ne faut pas oublier un grand problème : le silence de la société civile malienne, du peuple lui-même. » 

En effet, si le peuple se lève pour réclamer l’un de ses droits le plus fondamental, qui est l’accès aux soins dans de bonnes conditions, cela donnerait plus d’élan aux syndicats et ferait pression sur le gouvernement. On se souvient que la grève des médecins, en mars 2019, a été très mal vue par une partie de la population qui accusait les a accusés d’être avides et égoïstes.

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Les commentaires récents (10)

  1. La santé, tout comme la sécurité et l’éducation font partie des piliers d’une nation pour qu’elle puisse se développer et s’épanouir. Mais hélas, on est dans un pays où la santé est loin d’être considéré comme prioritaire aux yeux des dirigeants, de plus on observe une population qui fait l’aveugle face à cette situation jusqu’au jour où elle a recours à ses services.
    Comme on le dit dans un jargon bambara,  »petit argent=petit travail ».
    Comment voulez-vous qu’avec un personnel sous payé qui effectue le double de ses horaires de travail par manque de personnel et le manque de matériel de travail(Scanner en panne, manque de réactif au laboratoire pour ne citer que ceux ci) l’hôpital puisse fournir des services de qualité. A l’impossible nul n’est tenu. Espérons que ces cris de désespoir puissent arriver aux oreilles sourdes de nos dirigeants et qu’ils décident enfin de faire bouger les choses.

  2. C’est très dur d’être agent de santé au Mali y’a énormément de problèmes même ceux qui espèrent aller au Cames on leurs met des bâtons dans les roues il y’a désunion entre le personnel mm car le syndicat ne se soucie guère de ses membres . Quand tu fais la santé au Mali c’est par amour car tu n’auras pas tes droits et en plus la minimisation du travail par certains malades

  3. Mais tt le monde a vu que la ministre a accouché à l’étranger or il ne manque pas de personnel compétent c’est aux autorités de donner de la valeur à tout ce qui se fait chez soi sinon mm mal de tête il faut qu’il aille dépenser une fortune à l’étranger or dans nos établissements publics c’est pas le cas

  4. Très bon résumé de la vie précaire que nous vivons au Mali, avant même la fin de nos études on regrette déjà d’avoir fait toutes ces longues études pour soit finir au chômage ou soit avoir 1 salaire misérable et ne pas pouvoir subvenir aux besoins de nos familles. Triste Mali