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#SiraKura : dissoudre les milices et les reverser dans l’armée, vraiment ?

A la suite des Assises nationales de la refondation (ANR), il a été recommandé de « dissoudre les milices et de reverser les combattants dans l’armée ». Cette recommandation n’est pas une solution viable au problème posé, selon le politologue Ballan Diakité. Pour lui, elle ne prend pas en compte la complexité des déterminants sociologiques qui sont à l’origine du phénomène de « miliciarisation » et de son auto-renforcement irrésistible dans les régions du centre et du nord du Mali. 

Le phénomène des milices constitue, aujourd’hui, une véritable problématique aux contours à la fois complexes et imprécis. Se présentant à la base comme un conflit intercommunautaire, l’instabilité sécuritaire dans les régions du centre est en réalité la conséquence directe de celle dans ce que beaucoup d’acteurs appellent « le Nord ».

Le retard accusé dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR, signé en mai-juin 2015), la stagnation du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), l’absence de l’État sur le terrain sont, entre autres, autant de facteurs explicatifs de la « crise » du Centre et de la floraison des milices sur des bases communautaires.

Vivre-ensemble menacé

Cette forme de communautarisme est un danger pour le vivre-ensemble et la négation même de la République. C’est le devoir de l’État d’assurer à tous les citoyens la sécurité et la protection des personnes et de leurs biens. Mais pour assumer ce rôle, faudrait-il que la puissance publique soit présente sur l’ensemble du territoire national ; et mieux, qu’elle s’assure du monopole de la violence physique légitime.

L’inexistence de l’État dans les territoires reculés est un facteur important de la persistance de l’insécurité. Face à ce vide, et au regard de la menace terroriste toujours grandissante, les communautés sont entièrement dans la légitimité de se défendre et de se prémunir des dangers extérieurs. La création des milices par les communautés locales du centre apparaît, à ce titre, comme un phénomène tragique qui est à la fois l’expression de la défaillance de l’État et le signe que le vivre-ensemble est bien menacé dans notre pays.

Le phénomène des milices au centre du Mali couvre une réalité et des dynamiques bien différentes de celles du Nord. Si les mouvements ex-rebelles du nord sont nés d’une volonté de séparatisme et d’indépendance, force est de constater que les communautés du centre se sont dotées de milices non pas pour s’opposer au gouvernement central mais, pour se protéger des bandits armés qui viennent nuitamment s’en prendre à elles et à leurs biens.

Aller au-delà des vieilles recettes

Il n’est pas sûr que les procédés ayant été préconisés pour le retour de la paix et de la stabilité dans les régions du nord puissent faire leur preuve dans le dénouement de la crise au centre, car la logique des acteurs et les objectifs poursuivis ne sont pas les mêmes. A ce titre, les autorités de transition doivent chercher à aller au-delà des vielles recettes qui consistent à négocier un désarmement en contrepartie d’une insertion dans l’armée nationale. Cette pratique est contreproductive et sert à certains éléments intégrés de faire un double jeu à l’intérieur de l’armée. Il faut, donc, penser à d’autres solutions alternatives.

Le gouvernement doit agir dans les régions du centre et du nord par le biais des politiques publiques sectorielles, visant à renforcer l’utilité sociale de l’État. Il faudra faire en sorte que les raisons profondes, qui ont fait émerger ces milices et qui les ont rendues presque indispensables dans la vie quotidienne des populations locales, disparaissent. En d’autres termes, il faudra rendre effective la présence de l’armée malienne sur l’ensemble du territoire national ; restaurer la confiance entre les populations locales et l’armée régulière ; lutter efficacement contre les forces du mal (terrorisme) et établir une justice équitable au service des citoyens.

L’adoption de ces mesures servira, à mon avis, à enrayer le phénomène de la « miliciarisation », qui n’aura alors aucune raison d’exister.


  • Ballan Diakité est politologue-chercheur.

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