Tribune : « L’écrivain africain doit aussi faire l'Afrique de demain »
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Tribune : « L’écrivain africain doit aussi faire l’Afrique de demain »

La journée du 7 novembre est consacrée à l’écrivain africain. Pour le blogueur Yéhia Boré, « il ne s’agit plus de raconter, mais de faire l’Afrique de demain ».

Une histoire racontée : voilà ce qu’avait été l’Afrique tout d’abord par les romanciers d’exploration blancs qui, à l’époque où le voyage vers l’Afrique était périlleux, s’étaient donné la liberté de peindre un continent avec le pinceau de l’exagération et du fantasme.

Ils insistaient sur un décor, un environnement et on y constatait la quasi inexistence de l’Homme noir. Il était présent néanmoins, invisible car ne pensait pas, victime des caprices d’un narrateur à la recherche d’un continent unique. Des livres comme L’Étoile du Sud (1884) de Jules Verne, Le Trésor de Mérande (1903) d’Henri de Noville ou encore les Aventures périlleuses de trois Français au pays des diamants (1884) de Louis Boussenard en sont des exemples.

La littérature coloniale a donc accouché d’une littérature née d’un besoin de revendiquer une appartenance à une culture, à une civilisation, à des réalités qui n’ont cessé d’être occultées par la version du colonisateur afin de légitimer sa soi-disant mission civilisatrice ou « suprématie civilisationnelle ». Il fallait réhabiliter l’Afrique et lui donner une voix à travers une littérature propre à elle. Voilà ce qui sera le combat de plusieurs générations d’écrivains noirs. René Maran montre le chemin à travers Batouala, premier roman africain paru en 1921, qui a même valu le prix Goncourt à l’auteur.

Prise de parole

« Le mot nègre était insultant. Mais ce n’est pas nous qui l’avions inventé. Un jour, je traverse une rue de Paris, pas loin de la place d’Italie. Un type passe en voiture : “Eh, petit nègre !” C’était un Français. Alors, je lui dis : “Le petit nègre t’emmerde !” Le lendemain, je propose à Senghor de rédiger ensemble avec Damas un journal : L’Étudiant noir. Léopold : “Je supprimerais ça, on devrait l’appeler Les Étudiants nègres. Tu as compris ? Ça nous est lancé comme une insulte. Eh bien, je le ramasse, et je fais face.” Voici comment est née la “Négritude”, en réponse à une provocation », expliquait Aimé Césaire.

La négritude a signé l’acte de naissance des lettres noires, et elle est le point de repère de la prise de parole par les Noirs d’Afrique de l’espace francophone en particulier pour contester, dans les années 1930, la politique d’assimilation qui ne laissait pas de place à l’expression du colonisé.

Et, 1956, est retenue comme une année fondamentale pour l’évolution des cultures des peuples noirs car, c’est en cette année qu’a été organisé le premier Congrès des écrivains et artistes noirs dans la ville lumière.

Du XXe siècle jusqu’à nos jours, les thèmes sont traités par les écrivains africains en fonction du temps et des maux qu’ils vivent. Nous avons, entre autres, l’époque précoloniale, la servitude et l’assimilation de la période coloniale française, l’excitation éphémère des indépendances dans les années 1960, la désillusion totale avec les coups d’État militaires, la mise en place des régimes communistes sans oublier la migration.

Proposer des solutions

Il doit sortir de l’attitude du spectateur, du narrateur pessimiste qui ne fait que raconter et doit proposer des solutions à travers ses écrits. S’il est vrai qu’aujourd’hui l’Afrique se raconte elle-même à travers ses écrivains, il faut reconnaître qu’elle peut mieux se raconter si ses écrivains s’impliquent plus, deviennent des acteurs, réagissent aux problèmes de leur environnement tout en dégageant des pistes pour la pérennisation de l’héritage des anciens.

Néanmoins, il serait injuste de ne pas reconnaître qu’ils sont nombreux actuellement sur le continent à écrire, partager, faire rêver et entretenir un certain espoir d’un lendemain meilleur pour le continent. C’est cet espoir qu’il faut entretenir, car la responsabilité qui pèse sur les épaules de l’écrivain africain est grande. Il ne s’agit plus simplement de raconter mais de faire l’Afrique de demain.


  • Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Benbere

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Les commentaires récents (4)

  1. J’en dirait très peu si je décidais de qualifier le courage, l’abnégation et l’engagement de nos jeunes écrivains. En toutes choses cependant, il existe un point de départ, où est le leur?
    Je ne vous l’ai pas fait dire « La négritude a signé l’acte de naissance des lettres noires, et elle est le point de repère de la prise de parole par les Noirs d’Afrique de l’espace francophone » . C’est cette convergence Dans les idées et les actes qui de mon point de vu a créer cette invincible toran qui pouvait tout balayer sur son passage.
    Ce n’est pas un seul Roman ou quelques vers bien Nourris qui pourront apporter le changement mais Plutôt une convergence des idée ,une lutte commune, une dénonciatiation collective et pourquoi pas un mouvement intellectuel pour le changement?
    Aujourdhui, ce que je lis c’est la division, cest l’éparpillement des efforts, c’est le travail en solo et non le mouvement.
    Pour moi, nous pourrions tout écrire, écrire de beau vers, de magnifiques Roman’s mais la seule maniere de parvenir à changer et faire changer, cest de creer à l’image de nos predecesseurs des mouvememts de lutte intellectuels.
    Ça prendre du temps mais le resultat sera spectaculaire