L’Etat n’est pas et ne doit pas être le seul acteur de la « refondation » des territoires et de la gouvernance locale. Ceci étant dit, écrit Mohamed Maïga, le Mali devra faire un trait sur la centralisation ou la « centralité » du pouvoir.
Ce postulat sera l’acte de naissance d’une nouvelle logique de gouvernance des territoires locaux et du territoire national. Il devra se fonder sur la notion du « local comme pierre angulaire d’une nouvelle époque de la régionalisation malienne ». Cela reviendrait, en termes simples, à imaginer toute la logique du pouvoir et de la gouvernance à partir du « local ». Le local étant la source de la diversité, de l’économie, de l’éducation, de la sécurité de proximité, de la coopération décentralisée, du tourisme, de la jeunesse, de la santé, de l’environnement et des sports.
Le Mali à réécrire doit faire le choix des communs
Il mérite d’être réaffirmé que, dans l’histoire du Mali, il y a eu de « grandes cités » et de « grands hommes ». Tombouctou ne peut être petite, car son nom est d’une grandeur millénaire. Niani, Sécôrô, Sikasso, Kaarta, Araouane, Gao, Djenné ne seront jamais de simples petits royaumes, cités ou terroirs insignifiants d’un temps révolu. Ces cités et royaumes constituent les noyaux d’une histoire qui ne devrait jamais s’éteindre.
L’histoire territoriale du Mali serait encore plus utile aujourd’hui si les gouvernants décident de s’appuyer réellement sur ce que tous ces grands hommes et toutes ces grandes cités ont de particuliers et ont en commun. Mahmoud Kati sera toujours identifié à Tombouctou et pas à Kayes ni a l’empire du Mandé. Et Soudiata Keïta sera toujours lié à l’histoire de l’empire du Mandé. Tombouctou ne sera pas Kayes et vice-versa, de même que Kidal ne sera jamais Ségou et vice-versa.
Par ailleurs, c’est ce qui reste après qu’on a fini d’énumérer toutes ces différences qui est le plus important à retenir. Il serait temps d’affirmer que ce qui reste après que les hommes se sont battus et ont vécu ensemble, c’est cela le plus important. Se donner la main et se serrer les dents afin de faire de ces communs les choses les plus importantes, c’est non seulement donner de la valeur et de la place à la différence, à la particularité, mais surtout réécrire une nouvelle histoire pour un peuple qui en a tant besoin.
Le désarroi rural malien et sahélien et la recherche de nouveaux axes de réponses
Le Mali vit, depuis quelques décennies déjà, une forte concentration de populations dans seulement quelques grandes villes. C’est le cas du centre urbain de Bamako, du centre urbain de Kayes, du centre urbain de Sikasso, Ségou, de Gao et de Mopti. Ce phénomène de massification de population dans les centres urbains s’expliquait déjà depuis le début des années 2000. La migration rurale et la concentration de ruraux dans les centres urbains étaient reliées aux famines successives sporadiques qui touchèrent durement les zones rurales. La sécheresse est aussi une cause particulièrement mise en avant dans les rapports de la Banque mondiale.
La précarisation des économies locales a conduit progressivement à la massification urbaine, à l’accentuation des problématiques familiales chez les migrants, à l’immigration clandestine et finalement à l’exposition des ruraux à la tentation de « l’argent facile ». Cette tentation pour « l’argent facile » a ouvert la voie à plusieurs maux sociaux et problématiques de violence mineures et maintenant à l’extrémisme violent. L’argent facile a empêché de tendre vers des élections « sincères », vers des l’élection de gouvernants locaux investis et engagés localement.
Et en cela, les hommes et femmes politiques ont joué et jouent encore un rôle important. Les carences dans le système éducatif depuis plusieurs décennies accentuent la fragilité des ruraux et l’exposition aux dangers collectifs et individuels de l’argent facile. L’un des enjeux importants de cette nouvelle logique de gouvernance serait d’arriver à prendre en compte les différentes étapes de la dégradation de la situation des ruraux maliens et sahéliens. Aller vers un nouveau « deal » territorial pour imaginer et aménager les territoires de demain en concert avec les populations locales.
Imaginer un nouveau contrat entre l’État central et les territoires de la République
Ce nouveau contrat bâti sur le local devra lier l’État central et les territoires de la République, ou encore « les gouvernants et les gouvernés » dans une logique de régionalisation. Cette logique de régionalisation-avec plus d’élus locaux investis localement, plus d’autonomie administrative et financière pour les régions, plus de subsidiarité dans les actions entre l’État central et les régions, plus de vulgarisation des principes de la régionalisation-devra être avant tout l’objet de concertations et de négociation.
Négocier une nouvelle logique de gouvernance et de transformation des territoires ne devrait plus être un tabou mais une nouvelle politique gouvernementale. La négociation et la concertation intégrée devront être les « nouveaux mots » du vocabulaire de la volonté de gouvernance réformatrice malienne. Cet ensemble de postulats devra non seulement permettre de rentrer dans une nouvelle époque de gouvernance, mais surtout de prendre le chemin de la fondation d’un nouveau contrat entre l’Etat central et les territoires de la République sans aucune distinction.
Mohamed Maïga est ingénieur social, intervenant sur les politiques socio-économiques de territoire. Il est le directeur de Aliber Conseil.