Des enseignants et professeurs des lycées se reconvertissent – pour joindre les deux bouts – dans plusieurs secteurs d’activités allant jusqu’aux petits métiers : cultivateurs, mototaxistes.
Oumar, 30 ans, est professeur de français dans trois lycées privés bamakois. Aujourd’hui, il fait face à d’énormes difficultés financières. Afin de s’en sortir, il a rejoint une entreprise de gardiennage et de sécurité. « J’ai commencé ce travail il y a trois ans. Pendant les vacances, je fais le gardiennage la nuit », confie Oumar. En effet, il n’a pas dispensé de cours depuis « quatre mois, sans revenu ». Le pays traverse une crise sans précédent, les promoteurs des établissements peinent à payer les enseignants ou effectuent les paiements en retard alors que les dépenses familiales doivent être assumées. « Ce travail me rapporte 40 000 mille francs CFA. Ça m’évite de tendre la main comme certains collègues. »
Comme lui, Baba, enseignant dans une école franco-arabe, fait de l’infographie et de la calligraphie pour s’en sortir. Il a travaillé pendant 15 jours sur les pancartes d’une nouvelle école franco-arabe qui sera lancée bientôt. « Imagine-toi qu’il ne m’a donné que 5 000 francs CFA, alors qu’il sait que ça lui aurait couté au moins 60 000 francs CFA », dit-il.
Des foyers brisés
Nouhoum, la quarantaine révolue, est professeur d’anglais et mototaxiste. « Je suis père de 3 enfants, je ne peux pas m’asseoir. La moto me permet de prendre ma famille en charge quand il n’y a pas cours », dit-il. Il fait ce second métier depuis deux ans, ce qui n’est pas sans risque. Il y a six mois, un client a failli l’agresser pour prendre sa moto.
Pour Mohamed, professeur de mathématiques reconverti en soudeur, la situation ne s’améliore guère. Depuis tout petit, il s’est initié à la soudure durent les vacances toutefois la situation est un peu plus dur depuis 2 ans. « Très souvent, nous n’avons pas accès à l’électricité pendant la journée et ce n’est que vers 22h le courant revient et on se met au boulot. »
Certains sont retournés au village pour s’adonner aux travaux champêtres et d’autres sont devenus des vendeurs ambulants à Bamako. « La crise actuelle du Mali est plus éducative que sécuritaire », avance Alassane Touré, secrétaire aux revendications du syndicat libre des enseignants des écoles privées du Mali (SYLEPPMA). Plusieurs enseignants du privé ont vu leur femme les abandonner, d’autres sont réduis à la mendicité. « Les promoteurs d’école attendent toujours d’être payés depuis 2 ans pour les élèves orientés chez eux », déplore le syndicaliste.
Mettre de l’ordre
Ousmane est un promoteur d’école. Pour lui, la précarité dans le secteur de l’enseignement est réelle et risque de s’empirer. « Aujourd’hui, il y a des mécaniciens, des menuisiers et autres qui enseignent dans des écoles » déplore-t-il. « Il y a environ 2600 écoles privées à Bamako aujourd’hui ». Beaucoup n’ont pas d’autorisation légale et ne respectent pas les normes édictées par l’État. Par exemple, détaille le promoteur, il doit y avoir une école dans un rayon de 2,5 km alors qu’il y a au moins 5 écoles dans ce rayon en moyenne, une bibliothèque, un laboratoire, etc.
Ousmane évoque le cas d’une école privée à Gao dont le numéro d’autorisation serait, à l’en croire, utilisé par une vingtaine d’écoles à Bamako. « Il faut une complicité au sein de l’administration pour que cela soit possible », déplore le promoteur. « Il faut que l’état s’assume et mette de l’ordre dans le secteur de l’enseignement ».
Il s’agit, selon lui, d’appliquer la loi, garantir la permanence de 10 enseignants – alors qu’il y a des écoles sans permanence –, un compte bancaire au nom de l’école, assurer la cotisation pour la retraite, fermer celles qui ne sont pas en règle, les centres d’animation pédagogiques doivent effectuer et faire un suivi et recruter des ressources humaines de qualité.