La jeunesse du Mali élira dans quelques jours son nouveau président. Les multiples irrégularités récurrentes dans les élections au niveau régional, notamment à Tombouctou, font polémique.
A Tombouctou, ce mercredi 6 novembre, les jeunes éliront le nouveau président du Conseil régional de la jeunesse (CNJ). La mise en place des instances de jeunes est devenue, aujourd’hui, une question de vie ou de mort voire d’intérêts pour d’autres.
Le Conseil national des jeunes (CNJ) est l’organe représentatif supérieure de la jeunesse. Il est dirigé par un bureau de 45 membres dont l’élection se fait tous les 3 ans dans au sein de tous ses organes (commune, cercle, région et district de Bamako). Seulement, depuis quelques années, ces assises, ou mise en place des instances de jeunes sont devenues une honte nationale, en raison de toutes sortes de pratiques, notamment l’achat de conscience.
Noyautage par les politiciens
Ismaël Yattara, journaliste radio, a assisté à plusieurs mises en place de bureaux de jeunes. Chaque fois, il est dépassé par ce qu’il voit. Pour lui, ce scrutin ressemble à tout sauf à une élection démocratique. « On assiste de moins en moins à des mises en place d’instances de jeunes, explique le journaliste. Il s’agit plutôt d’élections parrainées par des politiciens. »
Le fait est que, à en croire M. Yattara, les instances de jeunes sont très convoitées et noyautées par les hommes politiques, « qui y trouvent leur compte». « Les jeunes croient que sans la politique, ils ne peuvent pas réussir. Cela passe par l’achat de conscience, le truquage, les querelles », ajoute-t-il.
Partout, les gens sont prêts à tout mettre en œuvre pour gagner. Gagner pour montrer sa supériorité et non son leadership. « C’est une vraie honte de voir tout le monde se battre aujourd’hui pour ces instances. Après la mise en place, personne ne s’engage pour la cause des jeunes », s’indigne Boubacar Coulibaly, leader d’association à Ségou.
Élection sans challenger
A Tombouctou, Gourma Rharous, Goundam, tout comme dans certaines communes de Bamako et d’autres régions, très souvent ce sont les « médiocres » qui gagnent, en offrant, selon certaines indiscrétions, de grosses sommes d’argent aux membres de la commission pour qu’ils se taisent, violent les textes ou les favorisent. Comme ce fut le cas en 2016 à Tombouctou, où l’élection et la mise en place ont eu lieu dans un salon et sans challenger.
Il y a aussi ceux qui font peur aux autres en installant la psychose dans les rangs adverses. « Ce n’est pour personne un secret que nous avons des candidats qui sont proches des groupes armés. Nous avons suivi en 2018 l’adhésion du président du Conseil communal des jeunes de Tombouctou à la CMA en direct sur les réseaux sociaux et c’est le cas dans plusieurs localités. Ces gens sont prêts à tout et le disent à qui veut l’entendre », confie un jeune de Gao.
Élections de la jeunesse
Si à Tombouctou il y a eu un consensus lors de l’élection du président du conseil communal, le scénario était tout autre à Goundam, le 28 septembre 2019, où le candidat opposé à la présidente élue, Hawa Touré, n’aurait pas eu accès à la salle. « On nous a trompés, mon équipe et moi. La commission a refusé de prendre mes récépissés et elle a commencé l’élection avant l’heure indiquée », se plaint Aly Ouologuem, candidat malheureux.
Dans une lettre sur la passation entre le président sortant et sa successeure, et dont Benbere a reçu copie, en date du 3 novembre 2019, il dénonçait « une mascarade électorale, une trahison et une division de la jeunesse de Goundam qui (pourrait) avoir des répercussions sur le vivre-ensemble et la cohésion sociale ». Avant de poursuivre : « Comment Hawa Touré peut gagner les élections ? Elle n’a rien fait pour être choisie, à part le fait qu’elle est de la famille de Oumou Sall Seck (ancienne maire de Goundam et ambassadeur du Mali en Allemagne, ndlr), comprenez le reste ! », renchérit M. Ouologuem.
« C’est vrai que je suis la nièce à Oumou Sall mais Oumou n’est pas jeune et elle n’est même pas ici, a rétorqué l’intéressée à Benbere. Ces élections sont celles de la jeunesse et c’est elle qui m’a élue. Même si on reprenait les élections demain, je vais les battre » poursuit Hawa Touré, nouvellement élue pour un mandat de trois ans. Elle ajoute avoir invité le camp de son adversaire à rejoindre le conseil : « Mais ils ont refusé. Croyez-vous qu’ils ont de la volonté ? »
A Tombouctou, les négociations pour l’achat de conscience n’ont pas abouti et cela a coûté au chef-lieu de cercle de se faire détrôner du poste de présidence du conseil local au profit d’une commune rurale. « Il y a eu trahison à la dernière minute. Nous avions négocié Ber, mais l’argent n’ayant pas été versé, les mandataires ont changé leur veste au dernier moment. On a finalement eu la 2e vice-présidence et quelques autres postes de moindre importance. », se plaint A. A. T., membre d’une association de jeunes de Tombouctou.