Lutte contre la corruption : le Mali en recul
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Lutte contre la corruption : le Mali en recul

En dix ans, le Mali a nettement reculé dans la lutte contre la corruption, malgré les réformes, les discours et la multiplication des institutions de contrôle.

Selon Transparency International, le Mali affiche un score de 27/100 dans le dernier Indice de perception de la corruption, le classant 135ᵉ sur 180 pays. Un chiffre qui en dit long : en 2015, le pays obtenait encore 35/100, puis 30/100 en 2020, avant de toucher ce nouveau plancher. Dix années de recul, qui traduisent l’échec des réformes, la prolifération d’institutions sans effet concret et une gouvernance toujours gangrenée par l’impunité.

En 2024, 67 % des Maliens pensent que la corruption est « très élevée », selon Transparency International. Elle est présente partout : la grande corruption, faite par certains responsables qui détournent de l’argent public ou truquent les marchés, mais aussi la petite corruption, que les gens vivent chaque jour.

Dans les bureaux, les commissariats, les hôpitaux ou les écoles, on doit souvent payer pour obtenir un document, un soin, une place ou un service. Dans les services de l’État, des postes s’achètent, des dossiers disparaissent et des contrats sont signés en secret, loin de tout contrôle.

Beaucoup d’institutions, peu de sanctions

Avec le temps, la corruption est devenue une pratique ordinaire, intégrée au fonctionnement quotidien du pays. Elle ne surprend plus, ne scandalise presque plus. Visible ou invisible, cette corruption systémique alimente un climat où les lois s’appliquent aux plus faibles, pendant que les plus puissants agissent en toute impunité dans un contexte où la préservation des apparences l’emporte sur l’exigence de justice.

Depuis plus d’une décennie, le Mali s’est doté de plusieurs structures pour lutter contre la corruption : le Bureau du vérificateur général (BVG), le Pôle économique et financier, ou encore l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI). Sur le papier, ces institutions incarnent une volonté de transparence. Mais sur le terrain, leur impact reste limité.

Selon une étude publiée en janvier 2021 par la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES), sur 61 dénonciations transmises par le BVG entre 2013 et 2018, un seul dossier a été jugé, dix ont été classés sans suite, et cinquante sont restés en instruction. Entre 2005 et 2017, les irrégularités financières constatées par le BVG dépassaient 741 milliards de francs CFA, dont à peine 6,5 % ont été recouvrés soit environ 48 milliards seulement. Cette incapacité à sanctionner les auteurs traduit une impunité systémique, alimentée par le manque de moyens de la justice, la politisation des institutions et l’absence de volonté politique réelle. Le rapport de la FES le résume sans détour : « Le refus de sanctionner la corruption est en soi une forme de corruption. »

En dix ans, au Mali, la corruption n’a pas reculé : elle s’est perfectionnée.
Les régimes passent, les promesses se répètent, les rapports s’empilent et l’impunité prospère.

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