Dans une récente note, l’ International Crisis Group met en garde les autorités maliennes contre les conséquences d’un isolement sur le plan sous-régional et international. Elle invite les partenaires internationaux à ne pas « transporter au Sahel des enjeux géopolitiques qui dépassent la région ».
En 2013, l’intervention militaire franco-africaine cassait la mosaïque « islamiste »– Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), Ansardine et Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO)– dans les régions du nord du Mali. Neuf ans après, le pays traverse une crise profonde et l’hydre « djihadiste » continue de se propager à travers le pays.
Si le coup d’État d’août 2020 a été l’épilogue d’une série de manifestations dénonçant la mauvaise gouvernance, le manque de résultats dans la réponse à l’insécurité du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, celui de mai 2021 a marqué un « ‘’virage’’ russe ». « Après le coup d’État de mai 2021, explique l’analyste de l’ICG, les autorités maliennes ont tourné le dos à la France et fait de la Russie leur principal allié militaire. Par ce revirement stratégique, les dirigeants cherchent à conforter leur popularité et à offrir de nouvelles perspectives au pays après dix ans d’aggravation de la situation sécuritaire. »
Rupture entre Bamako et Paris
La dégradation des relations entre Paris et Bamako est liée, en premier lieu, aux demandes incessantes des autorités françaises du respect du chronogramme électoral après le coup de force de mai 2021 et le rapprochement avec la Russie.
Le remplacement de Paris par Moscou s’expliquerait « en partie par l’incapacité des interventions militaires passées à endiguer la menace jihadiste. Ces dernières n’ont pas permis de rétablir la sécurité dans le pays et la situation s’est aggravée ces dix dernières années ».
La Russie est vue, par les autorités maliennes, comme un partenaire fiable, « pragmatique et plus adapté pour contrer les groupes jihadistes […]». Ces derniers mois, le Mali a acquis plusieurs équipements militaires – y compris des avions de combat- et bénéficié d’appui des instructeurs présentés par les chancelleries occidentales comme étant des membres du groupe paramilitaire Wagner. Alors que pour Bamako, le rapprochement avec le régime de Vladimir Poutine « permet l’acquisition rapide d’équipements militaires et offre un accompagnement direct dans les combats au sol », relève le chercheur.
Théâtre d’affrontements des puissances
Les relations entre les pays occidentaux – des partenaires historiques du Mali- et la Russie ont toujours été ponctuées de désaccords. La guerre en Ukraine, en cours depuis maintenant une année, a fait monter d’un cran cette tension. Le choix de Bamako de s’afficher avec la Russie comporte un risque non seulement pour le Mali, mais aussi pour toute la région du Sahel. La région risque de devenir un lieu d’affrontement des puissances. Le chercheur de l’International Crisis Group recommande aux partenaires du Mali de « se garder de transposer au Sahel des enjeux géopolitiques qui dépassent la région ».
Le Mali est considéré comme l’épicentre de la crise au Sahel. Pour nombre d’experts, la solution durable à l’insécurité au Sahel n’est pas que militaire, mais aussi économique, judiciaire. Ce qui nécessite donc divers appuis. Pour l’ICG, « les autorités maliennes devraient explorer les voies d’une diplomatie rééquilibrée, moins clivante ».
L’implantation des groupes extrémistes violents trouve ses fondements dans la mauvaise gestion des conflits et le besoin de justice. Les autorités maliennes « devraient réévaluer leur approche face aux groupes insurgés en privilégiant les réponses politiques endogènes en envisageant notamment de renouer avec les stratégies de dialogue ».