La fermeture des écoles, des crèches, des lycées en raison de l’irruption de la Covid-19 a fait basculer la vie d’un grand nombre de mères. Elles sont obligées de s’occuper des enfants qui restent à la maison, et supportent le poids des tâches ménagères et de leur activité professionnelle. La blogueuse Fatouma Harber témoigne.
Du jour au lendemain, toute l’organisation que nous avons mise en place durant l’année scolaire est déstabilisée. La charge mentale était déjà lourde. Pour les femmes qui travaillent, cela devient difficile à supporter.
Je dois avouer avoir beaucoup de respect pour les enseignants qui nous soulagent d’une grande part du travail en gardant nos enfants à l’école pendant 7h par jour. Avoir les enfants de 8h à midi, et ensuite de 15h30 à 17H30, n’est pas une mince affaire. Je m’en suis rendue compte dès le premier jour de l’arrêt des cours.
Quotidien très fatigant
Dès le matin, il faut prendre une demi-heure pour arriver à réveiller les enfants. Le coronavirus devient une occasion pour entendre toute sorte d’excuses solides : « Mais maman, avec le coronavirus, on nous dit de rester à la maison. Pourquoi veux-tu que je me réveille aussi tôt ? », me demande toujours ma fille. Mais, je ne me fatigue pas à lui expliquer les raisons pour lesquelles je dois aller au bureau : « Si maman ne va pas au bureau, l’argent de papa ne suffira pas pour t’acheter tout ce que tu demandes. »
Avant l’irruption de la pandémie de coronavirus, elle aimait se rendre chez sa grand-mère ou chez ma sœur. Mais, ce n’est plus le cas maintenant. Quand elle ne voulait pas que je reste à la maison, il me fallait soit aller au bureau pour boucler des tâches, soit aller couvrir un évènement. Lorsque cela m’arrive, notamment avec les réunions zoom que je ne peux rater et qui ont lieu à des heures où je suis à la maison, je cours à droite et à gauche pour finir le repas et servir pendant que monsieur est tranquillement vautré sur son canapé en train de zapper entre France 24 et A+, me fusillant carrément du regard quand je mets mes oreillettes et glisse le téléphone dans la pochette de ma robe. Son regard semble dire : « Regardez-moi cette mauvaise femme au foyer ».
À croire que je suis un robot qui a la charge morale d’exécuter toutes ces tâches. Je suis celle qui aide mon grand bébé à prendre un bain, à lui donner un exercice d’écriture ou de lecture sur sa tablette. Seule, je fais quasiment tout dans la journée (tâches ménagères, cuisine, prendre soin des enfants) en plus de mon boulot au bureau. Comme si les tâches de la maison étaient exclusivement réservées à la femme.
« Tout le monde a besoin de repos »
Si en France l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) indique que les femmes françaises passent plus de temps à s’occuper des enfants que les hommes, je crois qu’une telle enquête dans les foyers maliens va faire crier plus d’un. Les femmes croulent sous le poids du travail. Et les mesures de confinement et d’arrêt des cours au Mali sont venues aggraver la situation.
Hamsatou, une amie, est une femme au foyer ayant beaucoup plus d’enfants que moi. Elle dit être carrément submergée par le travail : « Je prépare la bouillie du matin et je la sers avec mon bébé de 8 mois au dos.» Elle ajoute, tout amusée, en cherchant le nom de celui qui a inventé la console de jeu PlayStation : « Avec ce jeu, j’arrive à maintenir les 4 garnements à la maison jusqu’au déjeuner. Ensuite, ils passent tout l’après-midi à se chamailler. Ce n’est qu’après 16h que j’ai un peu de répit, car ils se mettent dans un coin de la cour pour jouer au ballon jusqu’au crépuscule. »
Hamsatou trouve qu’avec l’arrêt des cours et tout le travail à faire à la maison, une mort par la fatigue est plus à craindre que la Covid-19. Je pense que les hommes doivent penser à aider leurs épouses. Tout le monde a besoin de repos.