Dans la « cité des 333 saints », patrimoine en péril, la culture est délaissée dans toute sa grandeur par les autorités, les populations. Toutes choses que déplore le blogueur Youssouf Cissé.
Les abords de plusieurs cimetières sont transformés en habitation ou en centres commerciaux où se marchandent moutons, briques de ciment, herbes pour animaux, sans parler de la vente de carburant à la sauvette. Dans des ateliers installés sont fabriquées ou réparées des portes en fer, et les occupants prennent du thé tout en riant à gorge déployée autour d’un bon plat de viande grillée. Personne ne se soucie plus de sauvegarder le patrimoine culturel. L’essentiel, désormais, est de « gagner son pain ».
La culture, dit-on, c’est ce qui reste lorsqu’on perd tout. Tombouctou est connue pour être une ville gardienne des traditions culturelles anciennes. Hélas, depuis un moment, sa richesse culturelle est délaissée.
La ville, classée au patrimoine mondiale de l’Unesco grâce à ses sites de Djingarey-Ber, Sidi Yehia et Sankoré, se meurt dans l’indifférence totale. En plus des sites, il y a les tombes des saints éparpillés à travers la ville, qui sont tous en train de disparaitre petit à petit.
Risque de déclassement à cause du délaissement
Cette ville, placée sur la liste du patrimoine mondial en péril en 2012 en raison de l’occupation djihadiste, court aujourd’hui le risque de tomber dans le déclassement à cause du délaissement, de la négligence et du laisser-aller.
Pour cause, les trois mosquées sont aujourd’hui utilisées à des fins peu religieuses. Elles servent de grin (groupe informel de discussion) à des jeunes gens ou de lieux de rencontres pour les politiciens, et ses murs sont utilisés pour des affiches publicitaires. L’homme de culture, Sane Chirfi Alpha, nous explique que l’occupation des alentours des cimetières est une véritable dérive née de l’ignorance, de l’insouciance. De fait, tous ceux qui sont installés avec leurs commerces sont sur des tombes, des restes humains : « Dans la culture tombouctienne, jamais les alentours de cimetière n’étaient occupés. Il n’y avait pas de clôtures, quelquefois des épines. Quand les clôtures ont été faites, elles étaient en deçà des cimetières. Ces occupations sont nouvelles à Tombouctou comme le fait d’entrer dans la grande mosquée avec les chaussures. »
Désormais sur la liste rouge des patrimoines
Sane Chirfi fait porter la responsabilité aux leaders religieux et à la population. « La responsabilité première incombe aux leaders spirituels, aux prêcheurs, affirme-t-il. En ne le dénonçant pas, ils deviennent des pécheurs. Les populations, ceux dont les parents sont enterrés dans ces lieux ne doivent pas rester indifférents. Au-delà de cela, l’Unesco a envoyé une correspondance pour mettre en garde et informer que ces sites sont désormais inscrits sur la liste rouge des patrimoines, c’est-à -dire qu’ils sont en péril. Si rien n’est fait, ils seront déclassés. » Avant d’ajouter : « Et c’est préjudiciable parce que quand la communauté internationale investit des milliards, c’est à cause de ces sites. Je pense que c’est une tache noire pour Tombouctou, une honte et une aberration.»
Plusieurs fois, cette situation a été décriée par des internautes sur les réseaux sociaux, des citoyens lambda mais rien n’a été fait. « Nous avons tout fait pour faire déguerpir ces commerçants sans succès. Une mission composée du maire, du sous-préfet central, de la police est sortie. Il y a eu une lettre du maire mais les gens refusent d’entendre raison. Il ne reste plus qu’à arriver à l’usage de la force. Mais cela ne sied pas. Nous sommes en période de crise et les gens sont très sensibles », explique une autorité de la ville. La solution manque toujours à l’appel.