L’adaptation de l’appareil judiciaire au besoin de justice des populations et aux enjeux de la crise est une condition du retour durable de la paix et de la stabilité au Mali.
Dans ce faubourg, dans la région de Mopti, les habitants vivent sous la coupe réglée des groupes extrémistes violents. Litiges fonciers, créance, problèmes de couple : tout passe désormais par le tribunal des maitres des lieux, qui appliquent à la lettre la charia, la loi islamique. « Ils sont omniprésents. Les populations les saisissent pour le moindre différent », confie Hamadoun, joint au téléphone.
Dans les zones échappant au contrôle de l’État, les groupes armés, qu’ils soient djihadistes ou d’autodéfense, dictent leur loi : prélèvement d’impôt, châtiments corporels, bannissement, etc. Au départ, les populations se sont soumises contre leur gré. De plus en plus, elles s’accommodent de cette distribution de la justice que certains jugent « impartiale ».
Les groupes armés ont bâti leur ancrage sur les ruines de l’État et le dysfonctionnement des services, notamment la justice. Des populations gardent de mauvais souvenirs des représentants qui ont laissé une image exécrable de l’État.
Instrumentalisation de la justice
L’effondrement de l’appareil judicaire, miné par la corruption et le manque de moyens financiers et matériels, a alimenté un sentiment d’injustice que les groupes armés ont exploité pour asseoir leur autorité.
En instrumentalisant la justice, les groupes armés ont acquis à leur cause de nombreuses personnes qui s’estimaient lésées. Mais cette séduction cache mal l’inquiétude des habitants des villages assiégés qui redoutent l’arbitraire, les amputations et autres lapidations commises au fort de l’invasion djihadiste dans les régions de Tombouctou et Gao.
Le moins que l’on puisse dire, ces populations vivent la peur au ventre, soumises à un code vestimentaire rigide : pantalon aux mollets pour les hommes, voile intégral pour les femmes, interdiction de jouer de la musique et défense également de jouer au football. Ce qui s’y déroule est un recul de la démocratie et de l’État de droit. Un retour au moyen âge qui marquera durablement les esprits et les générations.
C’est tout l’enjeu de la refondation de la gouvernance afin de proposer une forme d’administration plus efficace et proche des populations. Il y va de notre survie en tant que nation et communauté de destin.