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[Tribune] Covid-19 : vers un nouvel ordre mondial ?

La pandémie de coronavirus ne bouleversera pas l’ordre mondial. Au contraire, elle maintiendra les rapports de force. Les pays d’Afrique subsaharienne, où la tendance sur le plan économique n’est à l’émergence d’une agriculture performante soutenue par l’industrialisation,  risquent de rester des acteurs marginaux.

Alors que le décompte des victimes au niveau mondial se poursuit, la pandémie de Covid-19 met à nu les fragilités des États. Malgré les appels à la solidarité, la riposte s’organise, pour l’instant, essentiellement de manière individuelle. Dans un monde profondément inégal, cet égoïsme exacerbe les déséquilibres entre pays riches et pays pauvres. C’est pourquoi de nombreuses voix se sont élevées en Afrique, ces dernières semaines, pour demander la « révision » d’un système global, prenant en compte la question des relations entre le Nord et le Sud. Des collectifs d’intellectuels et de personnalités africaines engagées ont signé de nombreuses tribunes pour appeler à un monde plus équitable. 

À y regarder de plus près, les rapports entre les États sont régulés par leurs attributs de puissance (poids militaire, politique, démographique et économique). Et, pour l’instant, la pandémie n’a pas remis en cause ces attributs. Alors, d’où viendrait le bouleversement tant réclamé ? De la bonne foi des dominants et de ceux qui profitent du système actuel ? Si tel est le cas, il s’agit d’une lecture bien candide des relations internationales.

Observer les jeux politiques

Pour illustrer les rapports de force qui paraissent bien ancrés à ce stade, il faut observer les jeux politiques dans les grandes organisations internationales comme l’Organisation des Nations unies ou encore l’Organisation mondiale du commerce où la place des États africains reste marginale dans les prises de décisions. Cette situation est en partie liée à la modicité de leur contribution, notamment financière, à la marche de ces organisations. Par exemple, l’Afrique subsaharienne représente à peine 2% des échanges commerciaux au niveau mondial. 

Par ailleurs, il est intéressant dans le même temps d’observer les nouvelles puissances qui émergent au niveau mondial comme la Chine, l’Inde et le Brésil. Ces pays investissent massivement en Afrique, pas par bonté de cœur ou altruisme, mais parce que cela s’inscrit dans une politique globale de croissance et d’affirmation de leur rang de puissances mondiales. Le continent est riche en opportunités et constitue un espace d’affrontement entre les anciennes puissances et celles émergentes. Mais peu ou pas assez le lieu d’affirmation de la puissance des États africains. Ces derniers subissent donc globalement la politique mondiale sur leur propre sol. Il n’est donc pas incohérent d’affirmer, au regard de la situation actuelle, que les États d’Afrique subsaharienne sont, dans l’ensemble, des États faibles. Leur souveraineté est sans cesse remise en cause par de nombreux intervenants, qu’ils soient étatiques ou privés.

Ne pas être à nouveau en marge

De plus, les différentes politiques mises en place par ces pays ou par les partenaires bilatéraux ont été des échecs. D’ailleurs, la comparaison entre les pays d’Afrique subsaharienne et ceux d’Asie du sud est impitoyable. En moins de 40 ans, il y a eu un véritable décrochage économique entre ces deux zones. Ceux qu’on appelle les « tigres » asiatiques, malgré des régimes politiques « imparfaits », ont réussi leur transformation agricole et industrielle, quand en Afrique les dirigeants s’embourbaient dans des politiques de développement qui ont eu des résultats mitigés. Alors que les populations asiatiques sortent de la pauvreté en masse, qu’une classe moyenne émerge, l’Afrique peine à amorcer ce basculement.

Si tant est qu’un nouvel ordre mondial est en train d’émerger, il se ferait davantage autour de la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, la Turquie et dans une moindre mesure l’Afrique du Sud. Les pays d’Asie du Sud-Est ne sont pas en reste, d’autant plus que le commerce mondial bascule vers la zone pacifique. Pour ces acteurs, s’implanter en Afrique et y concurrencer les puissances occidentales est primordiale, ne serait-ce que pour l’accès aux matières premières ou des raisons de visibilité sur l’échiquier mondial. La question, pour les Africains, est donc de savoir comment tirer profit de ce nouvel ordre et comment faire en sorte de ne pas à nouveau être en marge.

Acteurs marginaux

Il convient donc de rappeler cette évidence : un nouvel ordre mondial ne se décrète pas par des vœux pieux, des grands discours creux à Sotchi ou ailleurs. Il se construit à travers une politique concrète avec des objectifs et des moyens. La pandémie ne bouleversera pas l’ordre mondial et les rapports de forces se maintiendront, avec des pays d’Afrique subsaharienne qui, dans leur globalité, resteront en périphérie sur le plan politique. Sur le plan économique, la tendance n’est clairement pas à l’apparition d’une agriculture performante soutenue par une industrie qui permet d’absorber les 50% de personnes vivant avec moi de 1.25 dollars par jour, dans un proche avenir. Or, ce sont là des pistes qui permettront à ces pays de jouer un rôle au niveau mondial. Autrement, ils demeureront des acteurs marginaux.

 

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