Tribune : le Mali au temps du Covid-19
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Tribune : le Mali au temps du Covid-19

Le 18 Mars, le gouvernement du Mali a pris 10 mesures préventives, plus ou moins strictes, pour faire face au Covid-19. Ces mesures pourraient sembler draconiennes vu le fait qu’aucun cas n’a été confirmé positif dans le pays.

Selon les données du Center for Systems Science and Engineering (CSSE) de Johns Hopkins University, depuis le début de l’épidémie en décembre 2019 dans la province de Hubei (Chine continentale), le nombre de personnes testées positives au virus dépasse, à ce jour, 317.000 dans le monde.  Plus de treize mille personnes ont succombé au Covid-19 et plus de 94.000 personnes en sont guéris.

L’Italie, qui a dénombré près de 5476 décès, est passé tristement à la première place depuis le jeudi 20 mars devant la Chine (3265), pourtant foyer originel du virus Covid-19. Cette dernière, d’ailleurs, n’a détecté aucune nouvelle contamination locale mais plutôt des cas importés de l’étranger. Ce qui nous donne espoir sur une fin proche du virus dans le reste du monde.

Peut-on sous-estimer le risque au Mali ?

Dans un précédent article, il nous a été reproché de sous-estimer le risque lié au virus Covid-19. Il est fort probable que cela soit une interprétation biaisée de l’article. D’ailleurs, le ministre malien de la Santé et des Affaires sociales, M. Michel Sidibé, est dans la même logique que nous quand il écrit sur son compte Twitter : « Avec la couverture médiatique, le Covid-19 est devenu anxiogène. Elle participe à l’affolement de chacun… ».

Ces affirmations ne sont aucunement une sous-estimation de la crise, mais plutôt des constats sur le terrain. Il faut certainement « se préparer au pire » dans nos pays en espérant le meilleur, comme le disait Dr John Nkengasong, directeur du Centre de prévention et de contrôle des maladies (Africa CDC). Mais le fait de paniquer ne résoudra pas certainement le problème. Au contraire, il l’empire.

Le Mali est un pays béni, c’est pourquoi Il n’y a pas de coronavirus ?

Il faudrait rappeler à la population une chose : les pays où nous voyons des cas de coronavirus effectuent des centaines de tests par jour et ont des systèmes sanitaires parmi les meilleurs au monde. Nous ne le souhaitons pas, il se pourrait bien qu’il y ait déjà des cas dans notre pays. Mais si ces gens ne se sont pas présentés dans les hôpitaux pour être diagnostiqués, il est fort probable que nous ne le saurons jamais.

Pour Dr Aboubacar Sidiki Youssouf Dembele, pharmacien et ancien responsable au Centre national de transfusion sanguine (CNTS), nous avons des personnes qui ont permanemment des symptômes assimilés à cette maladie comme la toux, la fièvre. Peut-être que celles-ci n’ont rien à avoir avec le virus, comme nous l’avons précisé dans notre précédent article. Toutefois, il conviendrait de faire très attention.

Nos pays africains, par manque de moyens, sont obligés d’adopter la stratégie indienne. Elle vise à tester uniquement les citoyens des pays touchés par l’épidémie ou qui ont été en contact avec des cas confirmés de contagion et présentant des symptômes après deux semaines de quarantaine. Au cas où nous provenons d’un des pays contaminés ou avons été en contact avec une personne venant de ces pays récemment et que nous présentons des symptômes, il serait important d’informer les autorités compétentes avant de se présenter pour qu’elles prennent des mesures au risque de contaminer le peu de professionnels de la santé dont nous disposons.

Notre point faible…

Le premier cas de décès en Afrique subsaharienne a été déclaré au Burkina, qui compte à ce jour trois décès et 64 cas confirmés. Le Mali partage une frontière de plus de 1000 km avec le Burkina Faso. Peut-on réellement parler de frontière dans nos pays ?

Contrairement aux occidentaux, qui peuvent parler de la fermeture des frontières-car la plupart de ces pays ont des frontières naturelles (fleuves, montagnes etc…)-, en Afrique elles sont poreuses. Nous pouvons donc ralentir les mouvements de populations et demander un changement des habitudes, mais une fermeture des frontières est utopique car nous n’en avons pas réellement.

Il serait donc important d’éviter les grands rassemblements (mariages, baptêmes, décès et surtout de sensibiliser la population pour un changement d’habitude dans les familles où tout le monde lave la main et boit dans la même tasse.

Notre point fort…

Pour l’épidémiologiste Pier Luigi Lopalco, la région de la Lombardie (Italie) a été la plus touchée parce qu’elle est non seulement la première à avoir accueilli le virus dans un silence total, mais surtout parce que la densité de la population au kilomètre carré est la plus forte. Nous pouvons noter dans le reste du monde que la diffusion a été plus rapide dans les pays où la densité de la population est la plus forte. Il se pourrait que l’espacement de notre population pourrait bien jouer en notre faveur dans une éventuelle diffusion de la maladie.

Un autre point pourrait aussi jouer en faveur de tout le continent. A ce jour, tous les virologues et épidémiologistes affirment que cette maladie est plus virale pour les populations avec moins de défenses immunitaires, les enfants et les jeunes auraient plus de chance de s’en sortir. Et dans la plupart des pays de la région, près de deux tiers de la population ont moins de 25 ans(Rapport Afrique de l’Ouest 2007-2008). Toutefois, la maladie pourrait être fatale quand on est dépourvu de défense immunitaire. Il serait donc plus intelligent de respecter les règles prescrites par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le virus est tel que personne, pour le moment, ne peut rien garantir quoique ce soit. Car certains chercheurs avancent la thèse que le virus est en mutation et d’autres disent même qu’il y aurait deux types de coronavirus en circulation. Transformons cette urgence sanitaire en opportunité pour changer certaines de nos habitudes hygiéniques qui pourraient mettre facilement en danger une partie de la population.


Alpha Alhadi Koïna est doctorant en géopolitique et en relations internationales à l’Université de Pise (Italie)

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