La question des otages au Sahel était au menu d’un panel de haut niveau, qui a regroupé plusieurs spécialistes, à Bamako, début novembre.
Quelques semaines après la libération des otages au Mali, qui a suscité de vifs débats, le bimensuel La Lettre confidentielle du Mali, en partenariat avec Cailcédrat, un Think Tank indépendant, a organisé le 5 novembre dernier un panel sur la question du « djihadisme » et des otages dans le Sahel.
« Le Sahel et ses otages » était le thème de cette rencontre qui a réuni à Bamako des spécialistes des questions sécuritaires, des personnalités politiques et d’ONG venus du Burkina, du Niger, de la Mauritanie et du Mali.
Prise d’otages
De 2003 à 2020, « environ 80 personnes ont été enlevées dans le Sahel et une partie du Sahara », selon Serges Daniel, journaliste-écrivain et modérateur de cette première partie du panel. « Elles ont été essentiellement libérées après un paiement de rançon », ajoute celui qui couvre depuis plus d’une décennie la question sécuritaire dans ces régions et auteur de plusieurs livres dont Les mafias du Mali. Trafic et terrorisme au Sahel.
Selon son confrère mauritanien, Isselmou Salihi, l’enlèvement des otages permet aux groupes terroristes de gagner des ressources, d’être médiatisés et de mettre la pression sur les politiques. La nouveauté dans les prises d’otages, c’est qu’en plus des occidentaux, ils s’en prennent maintenant à des cibles potentielles locales.
Le phénomène s’explique, selon l’ancien premier ministre malien, ancien patron de la de la direction de la sécurité d’État et ancien ministre de la défense, Soumeylou Boubeye Maïga, par trois éléments essentiels : « Les groupes ne veulent pas la présence de l’État dans le Sahel. Ça leur donne des ressources et de la notoriété.»
« La plus grande prison du monde »
Cependant, ceux qui revendiquent les prises d’otages ne sont toujours pas les auteurs. Il y a ceux qui enlèvent, ceux qui revendiquent et ceux qui mènent la négociation. Comme le témoigne d’ailleurs l’otage local le plus emblématique Soumaïla Cissé après sa libération. Les otages font plusieurs allers-retours. « Eux-mêmes le disent, les otages sont dans la plus grande prison du monde. Ce qui est important dans tout cela, c’est la mobilité, et c’est leur force. Ils ont peur eux aussi », explique Isselmou Salihi, spécialiste des questions sécuritaires au Sahel.
Les panelistes privilégient l’option du dialogue pour la libération d’otages, car la voix de la force est trop risquée. Pour Serges Daniel, la question de « faut-il dialoguer avec eux ou non est un faux débat ». Car, selon lui, « tout le monde négocie déjà avec les djihadistes directement ou indirectement ». Avant de reformuler : « Quoi négocier avec eux ? ».
Mais, pour Soumeylou Boubeye Maïga, l’un n’empêche pas l’autre : « On peut préparer la force pour éliminer les preneurs d’otages. Il y a des cas qui se sont très bien passés.» Ce qui rend souvent la tâche compliquée, « ce sont les pays qui font la pression sur nos États, mais aussi les citoyens. Plus il y a une médiatisation énorme, plus le prix augmente », poursuit l’ancien premier ministre qui propose « une réponse commune des États sahéliens » contre le fléau.
Faut-il payer des rançons ?
« Payer des rançons, cela leur donne de l’appétit insatiable », estime Ibrahim Diallo, journaliste à « Air Info » au Niger qui rapporte que de « 2003 à 2020, il y a pratiquement 24 milliards de francs CFA qui ont été payés à des gens qui n’ont aucune carte de chômage ».
Cette estimation est faite, faut-il le signaler, à partir d’un examen des montants payés et officiellement médiatisés, et que certains États n’ont pas reconnu. Il propose ainsi de « revenir vers nos populations, leur faire confiance ». Car, soutient-il, elles peuvent servir de sources de renseignements pour nos gouvernements. Il faut donc, selon lui, donner une force à la dynamique locale pour que l’État retrouve sa place et puisse assurer ses fonctions régaliennes. « Je suis donc contre le renversement des rançons, je suis plutôt pour le renforcement des capacités locales », explique-t-il.
« Oui, il faut payer si l’on n’a pas le choix malgré qu’il soit préférable de ne pas le faire », répond Isselmou Salihi avec nuance. Ce dernier est d’ailleurs optimiste pour le Sahel, car des efforts sont en train d’être fournis notamment avec le G5 Sahel qui n’est malheureusement pas soutenu par les partenaires à hauteur de souhait.