Carnet de voyage : à Saraféré, écoles fermées, populations et enseignants terrorisés
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Carnet de voyage : à Saraféré, écoles fermées, populations et enseignants terrorisés

A Saraféré, dans la région de Tombouctou, les écoles sont fermées depuis quatre ans. Sous la coupe réglée des groupes extrémistes violents, enseignants et populations sont terrorisés.

Arrivé depuis quelques jours à Tombouctou, la « ville mystérieuse », j’en ai profité pour rendre visite à des parents à Saraferé, localité située dans le cercle de Niafunké. Mon voyage commence bien. Le camion que j’ai emprunté fait du transport mixte : bêtes et humains y sont entassés. Aussi, la joie de vivre et la simplicité des passagers mettent-ils du baume au cœur.

Sur le trajet, chaque village que nous dépassons offre un spectacle écœurant. Des écoles sont en ruine, les portes jetées et les murs effondrés. Pourtant, nous croisons des enfants tout au long du trajet. Le cœur serré, je garde tout de même espoir. Nous arrivons à Tonka un dimanche, jour de foire. Le marché est très animé. Des adultes et des enfants sortent de partout.

Notre camion s’arrête près de l’école fondamentale de Tonka. C’est le matin, et l’école est fermée. Notre chauffeur m’apprend que depuis des années, l’école est devenue le refuge des animaux. J’entre pour voir. Il n’a pas tort. J’y trouve des ânes dans la cour. Ce que je vois n’a rien d’un lieu qui abrite des élèves.

Je poursuis mon périple imaginant la peine et les dangers auxquels sont exposés les enfants à cause de la fermeture des écoles. Plus loin, au bord du fleuve, j’embarque dans une pirogue pour rallier ma destination finale, Saraferé.

Avenir sacrifié

Aux abords du fleuve, des jeunes filles âgées entre 12 et 13 ans vendent du pain, des brochettes, du jus. Elles entrent dans la pirogue pour proposer divers articles dans l’espoir d’avoir quelques sous. Ce spectacle que je vois devant moi ferait pleurer même un cœur en pierre. J’ai vu l’une d’entre elles pleurer parce qu’elle n’avait rien vendu.

Ici, l’école est fermée, les enfants n’ont plus d’avenir. Ils sont oubliés, sacrifiés. Malgré tout, le silence y est roi. Le voyage se poursuit, la sérénité et le silence du fleuve m’apaisent jusqu’au matin à notre arrivée. Après les moments de retrouvailles, je me suis retrouvé dans les rues de ce village centenaire où je fais le touriste.

Des bourreaux de nos propres enfants

Je franchis le portail de l’école. Ici aussi, les portes sont fermées, et pourtant les enfants attendent. Ils ont l’espoir qu’un jour, ils iront à l’école. Je demande à Mamadou, un garçon, la cause de la fermeture de l’école : « Ça fait presque quatre ans qu’on ne va plus à l’école », me répond-il. Choqué, je tente d’en savoir plus. Saraferé est le chef-lieu de la commune de Fitouga, composée de soixante villages. Dans chacun de ces villages, on compte au moins une école accueillant 400 élèves environ. « Depuis quatre ans, ces écoles sont fermées, car les populations et les enseignants sont terrorisés et menacés par des groupes armés », témoigne un habitant.

Le nombre d’enfants « sacrifiés » depuis 2016 est énorme, celui des écoles fermées inestimable. Ce voyage a été un choc pour moi. Je me suis senti coupable. J’ai toujours entendu les chiffres à la télé ou à la radio sans jamais y prêter attention. Mais sur le terrain, j’ai compris que derrière ces chiffres se trouvent des garçons, des filles avec des noms, des visages, des histoires et des espoirs qui sont sacrifiés au quotidien. Je les ai vus dans les rues, laissés à eux-mêmes sans l’espoir d’un lendemain meilleur, alors que des animaux squattent l’école.  Nous sommes devenus les bourreaux de nos propres enfants.

Quel avenir pour le pays alors que ces enfants sont au-dehors, dans la rue ? Toutes ces questions me traversent l’esprit et j’ai peur pour demain, car je sais que ces enfants dont l’avenir est hypothéqué aujourd’hui nous demanderont des comptes demain.

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