#MaliSansEsclaves : « Les Amants de l’esclaverie » ou le récit d’une héroïque quête de liberté
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#MaliSansEsclaves : « Les Amants de l’esclaverie » ou le récit d’une héroïque quête de liberté

Les Amants de l’esclaverie, (Le cavalier bleu, 2004 et réédité en 2016 aux éd. La Sahélienne) est d’une brulante actualité en raison de la quête héroïque de liberté, trame du récit. 

Les Amants de l’esclaverie est le fruit de longues années de recherche et de questionnement. « Il s’agit d’un récit de romancier qui raconte avec indignation et émotion une blessure profonde de l’Afrique », écrit le romancier Ismaïla Samba Traoré dans son avant-propos. Le roman est un cinglant « coup de gueule » adressé aux sociétés sahéliennes où perdure ce que Camille Amouro appelle « le braquage contre notre responsabilité dans une histoire avec des allures pas toujours gaies », à savoir la traite atlantique et la perpétuation du système esclavagiste dans nombre d’États contemporains de cet espace. 

En cela, l’œuvre d’Ismaïla Samba Traoré, écrivain reconnu et directeur des éditions La Sahélienne, s’inscrit dans la tradition critique de Yambo Ouologuem ou encore d’Ibrahima Ly, d’autres monuments de la littérature africaine et malienne qui ont marqué leur époque par la perspicacité et l’originalité de leurs œuvres. 

« Dans cette région du Sahel, mais pas seulement, l’esclavage est apparu très tôt comme une monnaie d’échange, une denrée essentielle dans le commerce transsaharien au même titre que le sel, le kola ou l’or », rappelle celui qui est aussi anthropologue de formation et a longtemps été chercheur à l’Institut des sciences humaines (ISH), à Bamako. Avant de poursuivre : « Des chefferies traditionnelles aux gradés de la période coloniale en passant par les réseaux de traitres de femmes et enfants, trop de gens avaient intérêt à faire perdurer la pratique. Depuis l’indépendance des États sahéliens, un manteau de pudeur essaie de recouvrir ce passé.»

« Aux frontières du mythe et l’histoire »

Le roman de 165 pages met en scène une révolte des adolescents et des jeunes. L’insurrection des jeunes, écrit Ismaïla Samba Traoré, est une constance dans les récits fondateurs des sociétés sahéliennes : Soundiata, le jeune réunificateur de l’Empire du Mali, Biton Coulibaly ou encore N’Golo Diarra de Ségou ont tous ont en commun d’être parvenus au pouvoir assez jeunes.

Par ailleurs, l’œuvre « aux frontières du mythe et de l’histoire » aborde, dans une perspective historique, l’épineuse problématique de l’esclavage dans les sociétés sahéliennes à travers le parcours épique de deux amants Koké et Ryétou. Des personnages réincarnés pour mener une révolte contre le système esclavagiste. L’essentiel du récit se déroule au Sahel, notamment dans la cité imaginaire du Kolonso. 

L’insurrection des « Kolobakari »

Koké, le héros de l’intrigue, a été échangé contre une étoffe de cotonnade à l’âge de 7 ans. Ryétou, elle, est une rescapée de guerre sauvée d’un bûcher, qui devint ensuite l’« esclave » d’un souverain qui a conquis les siens. Au bout d’un long périple et au gré des rencontres, Koké réalise son statut et s’arme pour faire face au pouvoir des barbus (la société des Somas), garants sécuritaires de l’ordre esclavagiste.

Par des procédés magiques propres aux récits d’Afrique de l’Ouest, l’insurrection des « Kolobakari » coalise tous les frustrés contre l’ordre esclavagiste, tous des « fils de la femme et de la rancœur », que « la parole ancienne » avait prédit comme étant les tombeurs du régime inégalitaire. 

À l’issue d’une insurrection héroïque, l’armée de jeunes arrive à bout des Somas et de l’ordre social qu’ils défendaient, au prix de nombreux martyrs. Ces jeunes réalisèrent ainsi la prophétie de la parole ancienne qui enseignait qu’« aucun humain ne peut être maintenu indéfiniment dans les liens de l’asservissement .»

Le roman, empreint de mythologie, de poésie et d’oralité peut, par moments, dérouter le lecteur de par sa structure où des procédés d’écriture s’entremêlent. Mais la trame reste particulièrement extraordinaire et un abreuvoir pour les futurs combats contre l’esclavage. Un hymne à la révolte contre l’esclavagisme, tragiquement encore d’actualité. C’est en cela que l’œuvre d’Ismaila Samba mérite d’être relue.


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